SERGE LECLAIRE, RUE LHOMOND

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Il y a peu j’ai raconté dans quelle condition il m’a été donné de rencontrer un jour Serge Leclaire. Un retour qui me ramène à une photographie que j’ai prise il y a un an au pied de son immeuble.

Entre août 1992 et août 1993 je venais de passer une année à Bruxelles durant laquelle, avant de faire mon choix, j’avais décidé de lire de nombreux livres et articles dans l’optique de faire une psychanalyse, cela dans des circonstances déjà rapportées comme suit.

(…) « C’est ainsi que jeune homme, avant de m’engager dans une psychanalyse, je croyais bon d’ embrasser large la lecture des différents auteurs et ponctuais mes déambulations annexes par un livre balayant le champ historique des différentes écoles. Je fus alors saisi au cœur, écœuré, par un article pétri de facile médisance et de suffisance insuffisante par lesquelles était rendu compte d’une pratique, à l’aune, orientée, de n’en jamais, fut-ce d’une ligne, aborder le fondement théorique.

La démagogie couchant avec la mauvaise foi. Et pourquoi pas ?! Chacun sait que parler de l’autre depuis le point où l’on se manque soi-même, lot commun, fait poindre la bouée de la connivence, pépite immonde à laquelle il semble être si bon de s’accrocher pour se laisser aller aux courants porteurs de tous les abandons. Je pense ici particulièrement à ceux qui alimentent le fleuve opaque des communautarismes pour toujours et à jamais l’on s’comprend.(…)(1)

Suite à quoi, à mon arrivé à Paris, en septembre, je logeais un temps chez un ami qui avait cet indélébile défaut d’avoir fait l’ENA et ainsi d’avoir réponse à tout. A la question que je lui posais de savoir qui était encore en vie des « proches » de Lacan il me donna le nom de Leclaire.

Je voudrais commencer par évoquer le premier temps de la réception confiante et allant de soi, de ma part, du nom qui me fut donné pour ensuite passer à celui, quelques 25 années plus tard, où il se sera agit pour moi de réaliser l’orientation radicalement déterminante que cela avait représenté, ce nom et pas un autre, pour enfin en arriver à la cohérence d’avoir été aiguillé ainsi et pas ailleurs. (2)

Rendez-vous me fut donné rue Lhomond. Et alors, l’expression de Anne-Lise Stern lorsqu’elle m’ouvrit la porte. Et l’empreinte laissé alors en moi par son allant retenu, irrépressiblement saisit par la vision qu’elle eut de ce jeune homme tout feu tout flamme irradiant sa présence comme un viatique démesuré.

Une soudaine acuité d’attention imperceptiblement marquée par la tension du regard, suspension brève avant qu’elle ne se retrouve et ne s’efface pour que je puisse entrer.

L’entretien eut lieu. Serge Leclaire me dit ne pas pouvoir me prendre en analyse du fait de son âge – il mourut un an plus tard – et me transmis les coordonnées nécessaires à ce que je puisse découvrir et suivre mon désir avec quelqu’un d’autre.

Pendant qu’il les notait je lui signifiais avec l’insistance parfois déplacée de la spontanéité être tout disposé à participer à des séminaires ou à des colloques…

Il suspendit un instant sa plume, me regarda dans les yeux, puis m’adressa posément ces mots connus de tous, « Chaque chose en son temps ». Mots qui bien entendu prirent eux mêmes le temps du « savoir » rencontré en analyse pour se présenter à nouveau à moi, mais cette fois en livrée de pleine parole.

J’ai clôt mon livre Signorelli, de l’oùbli du nom au Nom dupé par un hommage à Serge Leclaire, en marquant doucettement, par une substantification de circonstance, son nom d’origine, Liebschulz (3).

L’année dernière, en passant devant l’entrée de son immeuble, j’ai été pris par un sentiment que je pourrais décrire comme étant l’alternative au conservatisme qui instille d’ordinaire le respect, figé d’être non investi, supposé dû aux représentations du passé.

Un amusement lesté du poids de la légèreté, oui, à la lecture de cette impatiente injonction,

NTM OEDIPE pour « Nique Ta Mère OEDIPE »

Chaque chose en son temps, chaque temps en son lieu…

  1. https://tybolt.fr/linsupporteur-onfray-ou-la-rigoureuse-lachete/

  2. A l’endroit de Serge Leclaire donc, quand j’étais traversé il y a peu, entre autres durant la lecture du livre de Claude Dorgeuille « La seconde mort de Jacques Lacan », par le constat que cela n’avait de fait pas été dévers J-A Miller. Différentiel reconnu entre la police de caractères et les appeaux lisses par où mille errent.

  3. Liebschutz : « Protection aimante »

Jean-Thibauut Fouletier

Paris, le 12 – 02 – 2020