Les gars de la Marine (C’est curieux chez les marins…)

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« Les vrais bons gones c’est ceux qu’ont des défauts que ne font tort qu’à eux. »

La plaisante sagesse Lyonnaise

Durant la grève de Radio France des mois de mars et avril 2015, au lendemain du deuxième tour des élections départementales, j’ai entendu sur RFI une intervention de Bernard Accoyer. La raison de son interview était relative au fait que Nicolas Sarkozy avait été placé la veille sous le statut de témoin assisté dans l’affaire Bygmalion. Je ne peux ici vous redistribuer la trame des questions et des réponses que de mémoire mais je pense toutefois rester fidèle à l’esprit de celles-ci.

Le journaliste commença l’échange en relevant que si les temps furent bons pour la droite au soir des élections ils s’assombrirent donc dès le lendemain pour l’ancien Président de la République. Il demanda ensuite à Bernard Accoyer ce qu’il pensait de cette évolution de la situation. Celui-ci répondit qu’il ne pouvait qu’être étonné de la proximité des dates entre le résultat des élections départementales et le sort réservé par les juges à l’ancien chef de l’État.

Une nouvelle question lui est alors posée à peu près dans ces termes « Êtes-vous en train de dire qu’il y a un lien entre le résultat des élections et le fait que Nicolas Sarkozy soit désormais témoin assisté dans l’affaire Bygmalion ? ».

Et Bernard Accoyer de répondre, là encore je cite de mémoire, « Je ne dis pas cela, mais je m’étonne d’une telle proximité. ».

Je passe sur les différents ressentis qui m’assaillirent après avoir été traversé par ce haut fait de l’analyse et de la posture politique délivrées par l’ancien Président de l’Assemblée Nationale et ne vous rends que cette phrase qui me traverse l’esprit à l’instant, réplique de Francis Blanche dans le film Les tontons flingueurs : « C’est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases. ».

Bernard Accoyer n’est pourtant pas Christian Jacob. Nous parlions justement de ce dernier avec ma compagne il y a peu car nous étions d’humeur badine et rien ne nous met plus en joie que de constater combien le président du groupe UMP à l’assemblée nationale porte la bêtise sur son visage. Avec lui, personnage frontal et rassurant s’il en est, le doute n’est pas permis. Ses mots, ses pensées, son allure, ses réactions, ses sourcils, son regard, ses emportements fesses serrées et bon droit outré, enfin bref tout en lui le prouve et tout de lui le confirme, il personnifie la bêtise. Ce pourrait être affolant mais une fois perçu cela n’est qu’effarant et accorde à chaque fois une virginité à l’intelligence de ceux qui s’y frottent.

Non, Bernard Accoyer, lui, n’est ni drôle ni bête. Voilà un homme du sérail dont les cheveux poivre et sel assaisonnent sans doute les bonnes tables aux alentours du palais Bourbon et dont les sourires affables soutenus par une peau préservée racontent les milieux de violence ouatés où son ombre s’épanche sous les ors de la République. Bernard Accoyer n’est ni drôle ni bête, tout juste tout droit dans ses bottes de notable de province ayant réussi la martingale de la plus-value des valeurs traditionnelles. Celle où la réussite professionnelle s’appuie sur le bon sens et où celui-ci va toujours dans le même, celui du plus fort. Ainsi ne dit-il pas qu’il y a un lien – désignant la mainmise du gouvernement sur les juges – entre le résultat des élections départementales et le fait que Nicolas Sarkozy soit témoin assisté dans l’affaire Bygmalion, mais s’en étonne-t-il.

Il s’étonne de ce qu’il suggère là où d’autres le disent au risque d’en mourir. Je pense notamment à Marisol Macias Castaneda journaliste mexicaine de 39 ans décapitée le 24 septembre 2011 par les membres d’un gang, les Zêtas, pour avoir informé ses concitoyens des activités du crime organisé.

De prime abord ce rapprochement peut effectivement ressembler à un grand écart. Sauf à considérer, et c’est ce que je pose, qu’il n’y a souvent pas la place pour une feuille de cigarette à rouler entre la lâcheté la plus convenue et le courage le plus singulier.

Parlant d’espace infinitésimal à investir au lieu de sa portée, je ne voudrais pas clore mon propos sans évoquer l’interview d’un député socialiste, le même jour, sollicité, lui, pour faire contrepoint aux formules restreintes et érodées de Bernard Accoyer. Ce n’est pas la teneur des propos de ce député qui m’intéresse, elle est vide, mais le fait – insigne – que cet homme parlait avec le même rythme, les mêmes intonations, le même débit de mots scandés par des « e » annonciateurs de la suite de la phrase, la même ironie sérieuse faisant office d’argument, bref, avec le même ton et la même voix que son plus fort à lui, François Hollande.

De droite à gauche, l’identification au discours du maitre dont Victor Klemperer nous livra une analyse extraordinaire dans son livre « LTI, la langue du IIIème Reich ».

Pour ma part, je soumets mon orgueil à la mémoire de Marisol Macias Castaneda et son courage inhumain porté par une éthique en marge du temps, figure de vie que n’ont de cesse de vouloir effacer les lâchetés conventionnées soutenues par les voix de leurs maitres.

C’est curieux, j’y reviens donc, chez les marins ce besoin de faire des phrases et par là même, chez tous les étroits politiques, ce désir de se faire gars de la Marine.

Puisque Marine, qui ne le sait, de ces phrases vides à paroles creuses, ne cesse de gonfler les voiles de son panzer.

JTF, Paris, le 03-04-2015