Lhommalaise 6 – Chapitre 5 (émission de radio)

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LHOMMALAISE

UNE SÉRIE D’ÉMISSIONS DE  JEAN-THIBAUT FOULETIER

AVEC LA PARTICIPATION DE   ÉMILIE DUBOIS

Émission numéro 6 :  Le front tiers


Pourquoi dans toutes nos langues occidentales dit-on "tomber amoureux"? 
Monter serait plus juste. 
L'amour est ascensionnel comme la prière. 
Ascensionnel et éperdu. 

Nicolas Bouvier



Introduction

Le cinquième chapitre de Malaise dans la culture est une réflexion qui amorce sa courbe et son cheminement autour du commandement biblique Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Pierre de touche à partir de laquelle Freud semble faire office d’alchimiste pour déterminer si ce dont il est question ressort de l’or qui fonde la promesse des terres encore à conquérir, ou bien si ces terres se révéleront n’être que des tourbières dont l’exploitation alimentera d’un feu étique – sans H – les illusions de ceux qui l’auront allumé.

À ceci près que Freud n’est pas alchimiste, mais que, comme lui dans ses recherches, ceux qui utilisent le touchau – autre nom de la pierre de touche – pour déterminer la valeur – or ou vil métal – de l’objet qu’on leur a remis, façonnent l’outil à leurs mains. C’est à dire que, littéralement, ce n’est pas la pierre dont il dispose et qu’ils doivent frotter contre l’objet à évaluer qui va livrer la valeur de l’objet en question, mais bel et bien, au final, leur estimation subjective – il ne peut en être autrement – leur estimation subjective de la chose.

Car il ne faut pas s’y tromper, en réalité ce sont eux qui s’y frotte à l’objet. Ils s’y frottent pleinement – cela veut dire qu’ils doivent à la fin rendre parole. Mais tout de même à distance, puisque par l’intermédiaire du touchau. Ce frotti-frotta est tout entier régit par une règle. Une règle qui elle, en l’occurrence, est d’or.

C’est que, parlant de valeur et donc de la mesure à accorder à l’objet, cela revient toujours à la même chose. À savoir, devoir se situer par rapport à l’Autre. L’Autre avec un grand A, celui qui, définissant par le langage, est censé répondre. Et bien cette valeur qui vient faire réponse est un dit aux miroitements multiples mais à la loi unique qui est que À l’Autre, avec un grand A, qui s’y frotte s’y pique.

Oui, cela pourrait se dire ainsi, l’acte de se situer dans le langage est un épinglage. Un épinglage du sujet. Lacan avait réalisé à ce propos pour illustrer la chose un schéma quadrilatère et parlait alors du sujet tiré à quatre épingles.

C’est ce piquant incontournable, puisque nécessaire, qui nous mènera lors de notre parcours du jour à nous pencher sur une pratique qui semble pourtant bien éloignée du Tu aimeras ton prochain comme toi-même que nous avons pris comme point de départ. Bien éloignée du moins dans son énonciation.

Une pratique qui paraît donc ne pas avoir de lien avec ce rapport d’amour à l’autre, cela quand bien même chacun d’entre nous éprouve, c’est le mot, dans un rapport plus ou moins direct, la frontière qui marque indéfectiblement leur communauté. Cette pratique est la torture.

Torture qui nous fera voyager tour à tour en Italie, en Chine puis en Grèce antique pour saisir ce qui, depuis la situation, depuis les coordonnées de l’Autre avec un grand A, pour saisir ce qui depuis le lieu du langage donc pourrait se dire de l’amour par le biais de la traversée des corps au moyen de la torture.

Mais avant cela, nous allons demeurer dans le giron de cette prédication effarante aux yeux Freud. Prédication qui paraît littéralement l’électriser lors de la rédaction de ce chapitre.

Chapitre 1

Tu aimeras ton prochain comme toi-même

Freud exprime ceci donc que la prédication Tu aimeras ton prochain comme toi-même est une clé. Une clé certes placée pour usage à la disposition du tout venant, mais avec ce spécifique ici que c’est elle, cette clé, qui doit être explorée.

Autrement dit il opère une résorption des espaces censés être livrés par l’usage de cette clé, les bienfaits de l’amour chrétien pour dire les choses communément, afin de désigner que c’est la clé en elle-même qui doit être considérée dans son extravagante exigence, pour dire les choses singulièrement.

Je vais avancer avec cette seule formule pour rampe. Ce qu’en dit Freud dans ce cinquième chapitre de Malaise dans la culture vous est accessible à la lecture et vous pouvez aussi faire le choix de parcourir telle ou telle exégèses qui en ont été faites. Elles sont nombreuses. Cela vous permettra peut-être d’avoir un autre éclairage sur les ressorts qui agissent les mouvements d’opinions contemporains.

Je m’arrête un instant sur le fait que si Freud fait un commentaire de ce mot, Tu aimeras ton prochain comme toi-même, commenter ici la parole de Freud est un commentaire de commentaire. Une parole en partie libérée donc. Ce qui ne veut pas dire que le détachement que sous-tend cette liberté, implique la dérive de cette parole. Loin s’en faut. Puisque comme nous le savons tous, la parole a ses astreintes. Ce qui peut se traduire ainsi, la dérive qui se manifeste de la liberté de parole n’est pas un dérivatif aux limites de cette même parole .

Alors, revenons-y, quelles sont les conclusions que Freud avancent à partir de cette prédication ? En substance ceci, pour commencer, que l’amour est chose précieuse et limitée qui ne peut être dispensé à tous sans faire de choix. Puis ensuite, à partir de là, le fait que cet amour est dirigé vers ceux qui me ressemblent, ceux avec lesquels je peux entretenir une relation affine. Après quoi vient ce constat brutal et déterminant pour la suite, qui est que se plier à aimer l’Homme comme il est – foncièrement méchant et mauvais – revient à creuser sa propre tombe.

Mais enfin et tout est là – et vous savez le relatif radical que ce tout reflète dans la pratique psychanalytique – mais enfin donc, ce qui découle de cela, où pour être plus précis, ce autour de quoi tournent les commentaires à partir de ce qu’avance Freud, est que la relation qui s’établit avec ce prochain que l’on m’intime d’aimer comme moi-même, se fonde, parlant d’intime, à partir de ce qui est le plus intime de moi reconnu en lui. À savoir la haine. Haine que je ne saurais bien entendu ni reconnaître ni saisir en moi-même. Une haine commune qui pose les bases de la fraternité.

Je fais une courte parenthèse pour préciser que le petit nom péteux actuel de cette haine, puisque notre époque est péteuse de prendre pour de la bonne éducation ce qui n’est le plus souvent qu’un fardage de cosmétique putassière, son petit nom de lâcheté quotidienne actuelle donc, censure de connivence, est la bienveillance.

La haine donc, pour y revenir, la haine qui s’extrait de cette parole, Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Mais pas seulement, puisqu’il y a là encore un pas à franchir. Pas qui est que ce grand Autre, espace du langage depuis lequel cette injonction insoutenable vient s’inscrire, ce grand Autre point d’appui supposé de mes pensées et de mes sentiments, et bien ce grand Autre est sans réponse. Il est sans réponse d’être troué.

C’est d’ailleurs ce trou, cette ouverture qui nous ramène au relatif évoqué précédemment concernant le tout officiant dans le champ de la psychanalyse. Là où se reconnaît que le verbe être qui relie l’Homme à lui-même représente avant quoi que ce soit rien de moins, si je puis dire, que le manque à être. Sans aucune possibilité de comblement. Si ce n’est par le biais glissant du fourvoiement imaginaire.

Là, il faut bien le reconnaître, pour celles et ceux qui ne sont pas psychanalystes et pour celles et ceux qui n’ont pas fait d’analyse, entendre que mon prochain est porteur de ma propre haine ignorée de moi-même et que le grand Autre est troué peut au mieux faire rire et au pire justifier la mise au ban de la psychanalyse. Ce qui ne manque d’ailleurs pas d’être le cas. À l’aise !

Mais après avoir reconnu cela, ce qu’il faut aussi dire, c’est que ces deux constats ressortent tout simplement de ce qui se dit et de ce qui s’entend depuis des décennies et des décennies sur les divans. Oui, paroles proférée par tout un chacun et recueillies à la condition Lapalissienne donc d’être entendues. C’est à dire, tout de même, d’être supportées, puisque l’acte analytique revient pour l’analyste à s’en faire le support vaille que vaille. Ce qui n’est plus, mais alors plus du tout une Lapalissade mais ressort plutôt de l’ordre du passez muscade. Malaise…

Que mon prochain soit porteur de ma propre haine ignorée de moi-même et que le grand Autre, soit troué, il n’y a qu’à se pencher pour en considérer les effets. Je veux dire et les effets qui découlent de cela et les effets de la résistance propre à ce que ceci soit entendu.

Les effets qui découlent de ces deux constats ainsi que les effets de la résistance à les entendre sont repérables par une infinité de modulations et je ne dispose pas ici de suffisamment de temps pour développer cette question. Je me contenterai donc d’illustrer la chose d’un mot permettant de les conjoindre et ce mot est le mot clivage.

Clivage qui, n’est-ce pas, résonne régulièrement à nos oreilles actuellement. C’est en effet un terme que l’on entend de plus en plus souvent et qui désigne la ligne désormais normée faisant frontière dans la moindre prise de position entre quelques protagonistes que ce soit.

Et bien, tout comme j’avançais précédemment que le terme bienveillance est celui de l’habillage de la haine, il s’agit de réaliser que le terme clivage, lui, est l’expression d’une langue de bois – ou, plus justement d’une langue de fer, mécanique de notre quotidien. Celle là même que Victor Klemperer disséqua dans son livre LTI, la langue du IIIème Reich. Clivage représente la normalisation des fils visibles et invisibles qui font les lignes tendues à partir desquels se déploient les politique contemporaines de ségrégation.

En tous cas – prenez ceci comme une boussole – dés que vous entendez ce mot, clivage, qui semble donc caractériser nos pratiques actuelles, vous pouvez être sûrs que les deux parties en présence, qu’il s’agisse de deux ou de millions de personnes, vous pouvez être sûr que ni ces deux-là ni ces millions d’autres ne savent compter jusqu’à trois.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Et bien cela veut dire que, comme les animaux ils sont entièrement aspirés par la dimension imaginaire, par le registre de l’image. Registre de l’image instaurant les bornes de la relation duale virant indéfectiblement au duel.

C’est ainsi que l’autre, l’autre primal disons, est reconnu définitivement dés l’enfance en mon image dans le miroir. Alter ego radicalement non égal à moi, ce qui ouvre la porte de l’accès à cet autre que moi qu’est moi-même. Porte que l’Homme n’a pourtant de cesse que de refermer. C’est de ce différentiel intime allant de moi à moi-même que mon prochain, le petit autre, sera le représentant.

Parlant de cet autre inatteignable comme miroir de cette blessure non suturable je songe ici à une remarque de Freud rappelant qu’aux temps primitifs et mythiques le père de la horde se définissait par ceci que lui seul avait la possibilité d’une jouissance sans limite, indépendante en ceci que détachées des moindres contingences liées au rapport à l’autre. Jouissance inatteignable au fondement de son meurtre par ses fils alors unis en fraternité par l’indice de la haine ainsi générée.

Je précise, haine générée non pas par le père réel, mais par la fonction paternelle soutenue principalement jusqu’à présent par celui-ci. Le miel de notre époque se fait de penser la mettre à bas cette fonction paternelle en la redistribuant et se déguste de croire que l’humanité, de cette redistribution, y trouvera planche d’appel à son salut.

Oui, tout cela est une histoire de savons. De ceux passés par le père à celui qui désormais enduit la planche d’appel du salut espéré. Et du savon au savoir qui nous intéresse il n’y a qu’un pas. Glissant.

Je reviens maintenant directement à la remarque de Freud sur le père mythique, remarque qu’il fait suivre par celle-ci, Des renseignements plus exacts sur les mœurs des sauvages actuels nous ont appris qu’il n’y avait nullement lieu d’envier la liberté de leur vie instinctive : ils étaient en effet soumis à des restrictions d’un autre ordre, mais plus sévère peut-être que n’en subit le civilisé moderne.

Après le père sans limite, remarque sur le sauvage qui représente l’autre jouisseur par excellence – par excellence de manque d’imagination pour le coup – remarque qui s’illustre dans un film de 2015, un film saisissant de justesse, The Lobster.

Les protagonistes de cette histoire vivent dans une société où il est interdit d’être célibataire. Ceux qui, pour quelques raisons que ce soit, se retrouvent sans partenaire disposent de 45 jours pour en retrouver un. Ils sont alors amenés dans une immense bâtisse et vivent ensemble afin que les couples puissent se former. Passé le délai imparti, si ce n’est pas le cas, ils seront changés en l’animal de leur choix.

La limite de temps ainsi posée est une contrainte qui édicte ses réponses. Forcées. Ainsi chacun des habitants du manoir cherche avidement un point d’identification – réel ou fictif – avec un éventuel futur partenaire afin de sceller l’union qui leur permettra de quitter les lieux en restant Femmes et Hommes. Humains donc mais aliénés à l’expression d’un désir reposant exclusivement sur l’image de l’autre. Ainsi parlais-je à l’époque du sexuelle – E,L,L,E – du sexuil et du sexuoeil.

Sexuoeil, car à l’instar d’œdipe, il sera question, je dis bien question afin de ne pas révéler ici la fin du film, il sera question d’énucléation pour les deux principaux héros de l’histoire. Enfin, pour les trois, comptons jusqu’à trois puisqu’il s’agit d’amour et que nous ne sommes pas tout à fait des animaux. Trois, oui, le spectateur faisant évidemment parti du jeu en place, avec l’aveuglement comme point d’identification communié.

Alors si la remarque de Freud au sujet de la liberté non enviable du sauvage me ramène à ce film, c’est par le fait que certains se sont évadés de cette bâtisse à la loi d’airain et que pour un temps, si le héros les rejoint, c’est pour constater que les affranchis sont contraints dans leur quotidien par une loi au moins aussi coercitive, si ce n’est plus corrosive, que celle à laquelle ils souhaitaient échapper.

Les 45 jours dont disposent les citoyens soumis à la loi de la cité – 45 jours qui rappellent d’ailleurs les séances à durée invariable de 45 minutes des tenants de la doxa freudienne – ces 45 jours, rabattent mécaniquement le désir des citoyens soumis à la loi de la cité sur le plan de l’imaginaire.

Un imaginaire qui impose donc tout bonnement, nous y revoilà, d’aimer l’autre comme soi-même à l’endroit où cet imaginaire prend le pas sur le symbolique. Là où littéralement il le recouvre, là où, parlant de ségrégation puis d’apartheid, il le colonise.

Avec pour conséquence, au niveau du symbolique, au niveau de la parole donc, de répondre par un autre type de recouvrement. Il s’agit de celui qui concerne la dette que lui impose le sort alors réservé au désir.

En effet, si dans la disposition proposée par le film, le désir est tout entier réglé par l’imaginaire, sa résolution, qui ne peut en réalité que passer par le symbolique, consiste alors au niveau de ce dernier, au niveau de la parole, la résolution consiste uniquement à tenter de recouvrir ses intérêts perdus. Des intérêts qui ont dans ce cas cette caractéristique malheureuse d’être à courts termes.

Ce qu’il faut bien saisir c’est que le mot terme est ici moins à entendre sur le versant de la ponctuation temporelle – exemple, 45 jours comme dans ce film ou bien 45 minutes dans les séances psychanalytiques à durée fixe – que sur celui de la signification des mots. Un mot est un terme.

Des intérêts à court termes dans le registre du symbolique, cela doit s’entendre ainsi, que les mots sont alors désormais impuissants, je ne dis même pas à attraper, mais à seulement désigner, à cerner le désir, ce désir qui pourtant certifie l’Humanité.

Oui – retour sur Le symbolique est troué – oui, le désir propre à l’être humain ne s’exprime que par la circonscription du manque supporté par le symbolique et l’accès au désir oblige quiconque à que soit inclus dans son discours la nécessité de ce manque. Autrement dit, l’Humain n’advient qu’à la condition que s’y inscrive la fonction de l’Humoins.

Pour y revenir, c’est à l’injonction Tu aimeras ton prochain comme toi-même que ce franchissement malaisé, situé à la frontière de l’amour et de la haine de soi ou de l’autre, vient faire écho.

Comme annoncé à l’ouverture de mon intervention d’aujourd’hui, il se trouve que l’écho de ce malaise est parfois porté par la voix qui s’extrait du corps torturé.

Une voix qui répercute la douleur térébrante censée faire ambassade à la solution de ce malaise.

Avant de nous engager à suivre cette voie ardue, nous allons nous accorder aux accords musicaux du groupe Dolly qui nous interprète la chanson Les mots…et leurs glissements.

Chapitre 2

Le bouche-trou de la torture

J’ai traité du sujet de la torture il y a des années déjà dans un livre ayant pour titre Signorelli, de l’oùbli du nom au Nom dupé. À partir du travail de Freud traitant du phénomène de l’oubli du nom j’évoquais alors comment par le biais de la torture il s’agissait coûte que coûte et peine perdue de faire cracher le morceau à celles et ceux qui étaient soumis à la question.

Un morceau très particulier à tonalité unique bien que se présentant sous des formes diverses et variées suivant les cas envisagés. Pour souligner sa particularité dans la perspective qui est la notre je vais reprendre et largement redistribuer maintenant deux des trois cas de torture contextualisée sur lesquels je m’étais alors appuyé.

Le premier de ces cas est tiré du traité de Pietro Verri Observations sur la torture paru en Italie en 1777 et le deuxième est une torture très particulière, le Lingchi, pratiqué en Chine jusqu’au tout début du XXème siècle.

La redistribution de ces deux exemples aujourd’hui dans le cadre de Lhommalaise pour faire résonner l’injonction Tu aimeras ton prochain comme toi-même obéit bien évidemment à la mise en perspective à laquelle nous oblige la notion de bon objet.

Le bon objet – partes extra partes – qu’il s’agit de retrouver en l’autre lors de la relation d’amour ou bien d’extraire dans l’acte de torture sous couvert donc de lui faire cracher le morceau. Un morceau dont j’évoquerai les contours à la suite de ces deux illustrations.

Mais avant cela, voici ce dont traite le livre de Pietro Verri, Observation sur la torture.

Pietro Verri est présenté comme un illustre aristocrate, philosophe, historien, économiste et écrivain animé par l’esprit des lumières. Il est dit de lui qu’en 1768, alors qu’il travaillait sur l’histoire de l’économie publique de l’état de Milan, il se mit à s’intéresser à l’affaire des onctions pestifères qui débuta plus d’un siècle auparavant en 1630.

Il rédigea au fil des années plusieurs versions de ce qui deviendra son manifeste contre la torture, ayant eu immédiatement conscience, lui, à la différence de tous ceux qui la glorifièrent, de l’abomination représentée par la colonne infâme.

La colonne infâme est un bâtiment qui fut érigé en lieu et place de la maison du sieur Gian Giacomo Mora, barbier de son état. Une plaque y est apposée pour informer en substance le passant que…

…le barbier ainsi que Guglielmo Piazza, commissaire public de la santé, furent convaincus d’avoir ourdi un complot visant à propager la peste au moyen d’onguents mortels et qu’en châtiment de leurs actes ils ont été condamnés à être placés sur une charrette surélevée, tourmentés à l’aide d’une tenaille portée au rouge, amputés de la main droite, soumis au supplice de la roue (os des jambes et des bras brisés) et égorgés après être restés attachés six heures à la roue, brûlés, etc.

Je le dis tout net, la lecture de cet ouvrage est incontournable, ce à de nombreux égards qui font profil, les uns enchâssés dans les autres, de coller à la grande tradition de la bonne cause au service de LA cause. Il faut avoir suivi les finesses et les courages de l’auteur pour être confondu par la quasi fraternité de style qui se profile d’avec un ouvrage commis par un natif du cru. À savoir Le prince de Nicolas Machiavel. Nicolas Machiavel qui, je le rappelle en passant, a été évoqué dans la deuxième émission de Lhommalaise à propos d’une certaine évolution du cynisme.

Pour Verri, il s’agit d’un style situé un pas de côté de l’anecdotique, ou bien du vil opportunisme, par une forme de pragmatisme qui délie son auteur de toutes les impasses dues à la sympathie inhérente à sa démarche. Pour dire les choses, son livre est indépassable en terme de qualité démonstrative.

Mais il témoigne également de ce que peut être la compétence au service de l’engagement d’un homme qui se dresse devant ce qui représente la conjonction des pires violences physiques et morales, du fanatisme le plus alimenté, de la politique la plus politi-chienne, de l’obscurantisme le plus sourd et de la plus criante des innocences.

Chez Verri, toutes les subtilités du champ de la raison sont convoquées pour rendre compte de l’infondé de la chose, de l’infondé de l’usage de la torture, avec par exemple des formules claquantes, ramassées et universelles telle que Le fanatisme voulait trouver un coupable après avoir inventé le crime.

Ou bien, s’attaquant au versant de la vérité, d’appuyer par exemples que les subtiles variations qui pourraient habilement se lire sur le visage des accusés et livrer l’orientation de la culpabilité ou de l’innocence sont arasées par les supplices qui donnent des traits communs à tous.

Ou encore en posant que la torture incitant coupables et innocents à s’accuser, non seulement par le biais des souffrances infligées mais aussi par le jeu de la valeur rétributive accordée aux réponses données, la torture est un moyen de déjouer la vérité plutôt que de la mettre à jour.

Pour dire la vérité comme disent élégamment nos voisins italiens en français afin de signifier qu’ils vont sans fard aller aux fonds des choses, ce ne sont là que les bribes rapportées d’un ensemble qu’il conviendrait que tout un chacun ait dans sa bibliothèque pour s’accorder un accès permanent à ce que la plus habilement tournée et la plus profonde des justifications pour la plus juste des causes puisse au final, de juste, n’avoir que le caractère d’avoir failli.

Failli, oui. D’abord, pour reprendre le terme d’indépassable utilisé pour qualifier la qualité démonstrative du livre de Verri, parce que cet indépassable concerne aussi et peut-être surtout le fait que si quatre siècles plus tard les protagonistes ne sont plus les mêmes, la torture, ses motivations et ses conséquences sont invariantes. Cela de ce que soient également inchangés les arguments pour aller à leur encontre. Ou les justifier. La source n’est pas tarie.

Mais la faillite de son entreprise concerne un autre point précis que je mettais en avant lors de la rédaction de mon livre à propos l’oùbli du nom. Verri était donc un économiste et comme tout économiste la rampe de son discours est la juste circulation des éléments régissant son système.

C’est ce juste, sempiternel pneumatique de la morale et source d’énergie sans fin du moteur de la recherche en matière d’économie, qui se révèle n’être dans son cas que le lest se posant au motif de justifier de répondre à la demande.

Il avance en effet que le besoin est une sorte de douleur que les Hommes cherchent à limiter par l’activité et l’industrie. Or c’est bien là l’infranchi de Verri. Ce que je nommais précédemment La juste cause, avec un L majuscule, ne peut en aucun cas croiser le juste soutenant l’économie.

Si pour ce dernier, pour le juste de l’économiste, il s’agit effectivement dans une certaine mesure, variable selon les idéologies, de répondre à la demande, La juste cause avec un grand L, quelles que soient les motivations dont elle s’anime, comme je l’ai illustré à de nombreuses reprises dans mes interventions précédentes, La juste cause n’a de cause que d’être un leurre et de juste que la touche de maintenir le désir faisant nécessairement coin entre l’objet visé et le sujet qui le vise.

Autrement dit, si Verri n’est pas parvenu à se résoudre à publier son livre avant l’abolition de la torture et si donc ce n’est pas son ouvrage qui sera à l’origine de son abolition, si il a failli, c’est que, comme je l’avance dans mon livre, bien que flirtant sans cesse avec la ligne de l’inconscient il ne parvient pas à la franchir et ne se départ pas de l’idée de justice et d’injustice. Cela exactement au même titre que ce qui agit la main des bourreaux.

Les deux partis ne sont donc pas opposés mais sont en réalité les étais qui de part et d’autre soutiennent le fantasme d’une unité de l’objet du désir, alors que si il est une chose que la parole des analysants et l’oreille des psychanalystes délinéent c’est bien que l’objet du désir n’est pas sa cause.

L’objet du désir n’est pas la cause du désir. Voilà ici touchée du doigt la condition du désir. Condition étant à entendre ainsi que c’est et son statut – au même titre que l’on parlerait de la condition humaine pour dire la nature humaine – et son sine qua non…son à condition de. Une condition bivoque donc qui fait de la subjectivité le nerf du rapport au désir.

Verti-Je disais-je lors de l’ouverture de cette présentation il y a quelques mois. C’est à ce hiatus, à ce registre de la déliaison qui désigne l’incomplétude dans laquelle évolue Lhommalaise, dans le le langage donc, que la torture veut trouver réponse en lui donnant corps. Un corps fantasmé soutenu là encore au nom de ce que l’on peut qualifier d’être une politique que je nommerai ainsi, prophylaxie de la béance.

Oui, le corps d’une parole faite objet, objectivée à tous prix, cela pour répondre au Tout-troué déjà évoqué aujourd’hui. Tout-troué dont l’insupportable génère, comme nous pouvons le constater par mille miroitements quotidiens, le lot des ingénieries les plus délirantes se posant au motif de sa suture. La communauté de ces fourvoiements à pour origine communication et sa pointe actuel est réseau.

Un corps, j’y reviens, pour faire office de comblement, de pièce résolutive, mais un corps qui demeurera pourtant insaisissable et qu’il y a quelques années, toujours dans mon livre sur l’oùbli du nom, je nommais acorps. A-C-O-R-P-S.

C’est lui, cet Acorps, que nous allons maintenant tenter, si ce n’est donc de saisir, du moins de cerner lors de la présentation du Lingchi de Chine.

À propos du Lingchi je dois dire qu’il m’aura fallu une étrange composition pour parvenir à m’extraire des lieux communs proférés à propos de ce supplice. Un aura fallu qui, comme nous le verrons en fin de boucle, est sans doute la meilleure voire la seule traduction qui vaille pour Lingchi, faisant liaison, articulation, jonction, donnant accès à ce que désigne cet Acorps.

Qu’il s’agisse de ses origines ou de son abolition, le Lingchi offre à la connaissance, du fait de ses descriptions divergentes, un statut glissant à prise incertaine. Cela peut sembler paradoxale pour une pratique régie par une série de codes stricts, mais qui, malgré lesdites contradictions n’empêche de faire le constat suivant, le rituel détermine avant tout la frontière d’un insaisissable.

Le sacré cela se dit dans nos contrées aux yeux desquelles le Lingchi attribue au peuple qui en fait l’instrument de sa loi le statut de blasphémateur. Le blasphème étant ici constitué d’aborder le sacré par le biais d’une boucherie. Le supplicié est attaché nu à un poteau, en public, le bourreau lui coupe les chairs en des endroits précis, biceps, côtes, cuisses, et dans un ordre prédéterminé, avant de lui trancher les membres puis la tête.

Toutes ces données sont soumises à un jeu de descriptions qui fait que la chose, si précise soit elle, nous arrive habillée différemment suivant les époques, les suppliciés, le régime sous lequel elle se passe, les témoins, les narrateurs, tous semblant ainsi promouvoir une dilution de la substance distinguée par son nom.

Malgré ce différentiel que j’ai déjà qualifié d’insaisissable, de sacré ou encore de boucherie, comme nous allons le voir le Lingchi, étrange supplice indigène et barbare, supporte pourtant de représenter un point de commune mesure nominale.

En effet, à la différence de la torture infligée à ceux auxquels on veut directement faire rendre gorge d’un mot, le Lingchi présente la mise en forme et en scène d’une souffrance indicible sans que le mot en vertu duquel se suspendrait l’opération ne soit demandé à ceux qui vont être mis à mort.

Ne nous y trompons pas, si aucune parole ne semble être attendue de la part des condamnés il s’agit pourtant bien que cela dise quelque chose ! Et si, de tous les éléments historiques rapportés, que ce soit par le biais de récits écrits ou bien celui de documents photographiques, si chacun est sujet à caution et est effectivement remis en cause puis justement ou non replacé, cela semble moins être le fait d’une volonté de rigueur historique qu’un effet d’Acorps. L’Acorps, ce corps de la réponse-à-tout, qui d’être lingchisé marque toute sa différence d’avec le corps lynché.

C’est que, parlant de glissement, le corps lynché est sans ambiguïté sur la jouissance des lyncheurs quand le corps lingchisé, lui, filtré aux proportions de la lecture des espaces de la jouissances occidentale – qu’on la fasse rimer avec chrétienne ou bien consumériste – quand le corps lynchisé permet à l’artiste de mettre sur la même ligne extatique les photos du visage du dernier supplicié chinois Wang Wei Qin avec celui de l’actrice René Falconetti prêtant ses traits à Jeanne d’Arc dans le film de C.T Dreyer La passion de Jeanne d’Arc en 1927. Une ligne inscrite dans un espace où c’est le supplicié qui jouit.

Ce qui implique que ce lieu de la question, de ce type de question, n’a d’autre fonction que de définir des coordonnées autres de la jouissance. Celle que dans leurs traditions s’imaginent préserver et que pensent s’arroger les témoins situés hors les normes usufruitières de cette mise en scène, les occidentaux. Alors qu’en réalité ils ne font là que se positionner bien gentiment comme on leur en suggère l’ordre, l’ordonnancement, puisque restant ainsi interdits aux frontières spécifiques que l’Empire du milieu DETERMINE, frontières définies par ce qui de jouissance s’extrait au moyen du Lingchi.

Nous en serions, de cet empire , à suivre nos canons, situés heureusement à la périphérie, sinon à l’extérieur. Et c’est bien là, si je puis dire, le point central d’un nouvel espace à considérer maintenant. Nous allons partir pour cela de l’idéogramme représentant le mot Chine, représentation de l’Empire du milieu. Un rectangle horizontal traversé en son milieu par un trait vertical.

Nous parlons là de langage et d’écriture et il n’est pas neutre que l’inscription représentative d’un pays, son scripturaire en quelques sorte, se fasse par ce que nous pourrions qualifier d’être un trait d’esprit, nous permettant même d’en redoubler l’effet de trait puisqu’il s’agit d’un trait d’archer, cet idéogramme étant littéralement la représentation de l’expression En plein dans le mille, soit le trait d’archer touchant au but.

Mais trait d’esprit donc également puisque inscrire par l’écrit que la langue touche au but dès l’origine revient à mettre une main définitive sur le langage, à en faire sa propriété en en privant d’usage, mais pas d’effets, qui s’en trouverait placé à un extérieur supposé.

En d’autres termes, il est ainsi permis de porter un regard nouveau sur le fait que ce qui fut un temps communément nommé communisme chinois trouverait son meilleur appui dans ce qu’il faut bien appeler une privatisation du langage. Diffuse désormais.

Soit dit en passant également, cela amène à considérer que les chinois peuvent continuer à dormir sur leur deux oreilles ou bien à se réveiller, ce qui revient exactement au même en l’occurrence, à considérer qu’a pu être commis un livre ayant pour titre Quand la Chine s’éveillera.

L’Empire du milieu veille de n’avoir jamais dormi et n’a jamais dormi d’être le produit de la rature réussie dont parlait Lacan dans Lituraterre : Produire la rature seule, définitive, c’est ça l’exploit de la calligraphie. Vous mettrez très longtemps à trouver de quelle nature ça s’attaque et de quel suspens ça s’arrête, de sorte que ce que vous ferez sera lamentable, c’est sans espoir pour un occidenté. Il faut un train différent qui ne s’attrape qu’à se détacher de quoi que ce soit qui vous raye. Entre centre et absence, entre savoir et jouissance, il y a littoral qui ne vire au littéral qu’à ce que ce virage vous puissiez le prendre le même à tout instant. C’est de ça seulement que vous pouvez vous tenir pour un agent qui le soutienne.

De là ponctuer que si être placé à l’extérieur de l’écriture de la jouissance barbare représente une place privilégiée aux yeux de la jouissance de l’occidental, l’extérieur du barbare en question n’est lui aucunement placé en référence à une frontière situant les moindres en de intérieur ni hors de extérieur.

De fait, la réalité revient ici à être un inaccès. Ne pas avoir accès à ceci, savoir, que la rature tracée par le tranchant de la lame du bourreau ou bien par le trait centré de l’idéogramme L’empire du milieu, l’Emplein dans le mille, cette rature puisse vous avoir placé, vous d’Occident, exactement au même titre que les natifs, sous sa coupe qui fait Un, Nominal, de qui que ce soit qui le supporte de s’y référer et s’y réfère de le supporter. La ligne du parti en quelque sorte. Réseaux de communication

Les questions récurrentes à propos du déroulement du Lingchi faisant l’objet de mises au point et réajustements trouvent moins pour l’historien à être motivées de devoir coller aux faits ou de titiller l’insondable afin ensuite de rassurer son monde, que, pour nous, d’être autant de ratages réussis à en supporter le caractère diffus. Le caractère diffus cela doit être traduit par que sa lettre se diffuse.

La question de savoir si la mise à mort se fait rapidement et subrepticement ou non, si le supplicié est drogué à l’opium ou non et à quelles fins participe de la volonté de ceux qui s’y collent de définir la jouissance nette alors que la coupure la diffuse brute.

Cette coupure infligée est brute. Elle est la marque du caractère – au sens de caractère d’imprimerie – elle est la marque du caractère qui prime sur le corps qui la supporte. Elle prime sur lui, lui est prévalente de ne pouvoir, elle, être disséquée, tout en ayant, indépendamment de cela, tout est là, comme signe distinctif que l’on cherche sans cesse à la rendre dissécable. C’est un dit – sécable, en deux mots.

Autrement dit, il est constamment repérable combien Lhommalaise croit dépendre d’un motif, d’une cause, d’une raison originelle qui détermineraient sa condition et que ce point à saisir pour mettre la main sur ce qui originerait son malheur ne pourrait l’être qu’à la refermer cette main sur un sens ultime et résolutif.

Pour traduire cela qui casse la tête il suffit d’évoquer les métaphore dont s’esbaudissent les chantres de la communication. Ici, vient à point nommer celle servie par Chouang Tseu, puisqu’il s’agit de la métaphore du boucher et de sa façon si particulière de manier le couteau en le préservant pour dépecer le bœuf.

Les métaphores… Le plat apologétique nourrit l’imaginaire d’être disponible à l’infini de ne jamais pouvoir être consommé entièrement. Du sens, du sens, du sens…du sens comme butée satisfaisante alors que la résolution en tant que telle de cette historiette censée donnée réponse, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne coule pas de source. Cette résolution, présentant d’ailleurs elle-même plusieurs tranchants. Dont celui-ci par exemple, à l’instar du couteau dont il est question et de la coupure qu’il désigne de surtout devoir être préservée.

Le couteau préservé, de pointer le vide, viatique du caractère civilisé, car maîtrisé, de la main qui le manie, c’est le domaine de la morale où il se fait acte d’obédience de promptement s’engouffrer. Vivacité regrettable qui n’empêche que hors la morale et ses brouillards accommodants, le préservé est la réussite d’un ratage. Le couteau comme neuf, s’il révèle l’affinement d’un geste, c’est bien celui de faillir à toucher la chose. Et sa préservation est le corps du ratage. Acorps.

Ceux qui, se ratage, ne se privent pas d’en faire un savoir et de le faire savoir en en colportant la version de progrès, de juste geste, se placent au lieu de la méconnaissance de la véritable nature de la Rature. Laquelle Rature, loin de décrire le mouvement progressiste accompli, fut-ce par cette farce et les simagrées consistant à se prosterner devant le vide, rature qui couvre de son talent le nom de toute chose. Couteau comme le reste, fût-il ou non de Lichtenberg.

Torture ou supplice des mille coupures, le Lingchi me vient nommé comme cet Aura fallu que je disais être sa meilleure traduction, de faire poindre un temps de parole, le futur antérieur, dans des conditions où Je n’a pas sa place. Ouverture au savoir sans sujet que nous savons situé par l’inconscient.

Mais encore, cet Aura fallu sonne d’un quasi égal phonétique à ce dont il supporte à l’identique, dans la réalité, les effets, de représenter cette commune mesure nominale dite plus haut. Commune mesure dont nous savons la faille nécessaire qu’elle est et dont le nom est Phallus.

Conclusion

Aura fallu, faille, failli, Phallus, voilà une suite de termes par lesquels nous auront fait passer ces deux exemples de tortures d’Italie et de Chine. Sans oublier comme terme celui dissonant de Acorps.

S’il s’agit de cracher le morceau sous l’effet de la torture, le morceau qui se révèle à terme n’est pas celui que l’on croyait. Ni même celui par lequel, peut on dire, on ne peut s’empêcher de motiver ses croyances.

Le morceau qui se révèle est tout autre et j’aurai l’occasion de vous en dresser le portrait lors de la prochaine émission. Toujours par le biais de la torture d’ailleurs. À cette différence d’avec celles évoquées aujourd’hui que la torture à partir de laquelle je vous entretiendrai aura été réalisée non pas par des humains, mais par quelqu’un qui connaît la musique puisqu’il s’agit du dieu Apollon de la Grèce antique.

D’un mot, tout de même, pour ponctuer notre avancée du jour. La ponctuer sans possibilité de fermeture puisque ce qui est soutenu ici c’est que le Tout est troué .La ponctuer en soulignant qu’imaginer un confins du langage est une aporie et que la réponse réflexe qui lui est apportée est de le maîtriser, le langage. Fermeture, réponse en miroir à l’incomplétude. Je ne vais pas revenir dessus.

Tu aimeras ton prochain comme toi-même est une manifestation de cette maîtrise. Une maîtrise qui confine dans l’acte de torture par lequel il s’agit d’ouvrir le corps pour accéder au trésor des trésors révélés par la béance.

Pourquoi pas ?! Pourquoi pas, oui, mais voilà, le souci c’est que, comme dit précédemment, à l’Autre, avec un grand A, au corps de l’Autre, au langage quoi, qui s’y frotte s’y pique !

Et la pique fait son office autant via les ressorts de la haine que par ceux de l’amour. De fait, on attribue rarement au trait lancé par Cupidon, à sa flèche, sa véritable nature. Celle d’être précisément un instrument de torture.

Alors maintenant…En guise de conclusion… Il y a peu, comme souvent, à ce que je disais avec mon style habituelle à propos d’un fait de société, mon interlocutrice du jour répondit en commençant par ces mots, Oui, mais factuellement...Le factuel se posant bien entendu à ses yeux comme lest du bon sens en réponse à ce que je disais qui lui apparaissait certes fort intéressant mais peu en rapport avec la réalité la plus concrète.

Et bien pour rapporter cela au niveau du déroulé de mon exposé du jour, je le dis, il n’y a rien de plus lié à la moindre réalité quotidienne de chacun que ce que j’avance ici. Un réalisme à traduire ainsi – pour qui supportera d’y trouver Acorps – l’aiguille de l’amour n’est pas l’aiguillon de l’inconscient.

Le sillon dans lequel vient s’inscrire l’aiguille qu’est le comme du Tu aimeras ton prochain comme toi-même révèle que les lettres de sang de l’amour sont sans commune mesure avec la lettre manquée de l’inconscient.

Un sans Comme-Une-Mesure au motif, arborescence, du rivet qu’est la raison, ce champ de la conscience dans lequel chacun s’évertue à faire pousser le fleuron de soi-même, pris, au vol, pour amour du prochain.

Alors ami auditeur, et toi,
saurais-tu aller à la rencontre de ton chant,
dysharmonique sans doute, 
aiguillonné en cela par les mots de ton malaise ?



Rendez-vous est donné dans quelques semaines pour la septième émission de L’Hommalaise. Il y sera présentée la suite de l’interprétation du livre de Sigmund Freud Malaise dans la culture via son chapitre 6. 

Vous pouvez retrouver l’intervention d’aujourd’hui en podcast sur le site de la radio RDWA - R-D-W-A.FR, ainsi que, accompagnée de sa version écrite téléchargeable, sur le site de Jean-Thibaut FouLEtier, tybolt.fr, T-Y-B-O-L-T . FR 

Et si la note du chant qui s’offre à chacun semble à chacun inaccessible, peut-être que le verti-Je qui en ressort s’apparente-t il au Je glisse du champ de la conscience du groupe Scotch and Sofa… ?



Jean-Thibaut Fouletier
Die, le 29/08/2022