« Je ne suis pas de ceux qui… » (Extraits)

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NOTES

Voici présentés deux extraits d’un article écrit entre 2012 et 2017 à partir de l’analyse de cette tournure de phrase si souvent prononcée par le Président de la République française en fonction, Nicolas Sarkozy, « Je ne suis pas de ceux qui… ».

Elle y est mise en perspective avec la notion d’évaluation telle qu’elle fut alors promue et appliquée dans les écoles dés la maternelle avant de devenir, qui ne le sait, l’un des chevaux de Troie œuvrant sans cesse au déni du sujet de l’énonciation.

Ce texte fera partie d’un livre à paraître sous peu, Les ambassadeurs – Textes et autres restes.

Une dernière précision, j’ai écrit un texte, « Il faudra que j’y revienne », que je n’ai pas encore placé sur ce site et qui relate comment Nicolas Sarkozy, rompant le protocole établi, est resté immobile devant moi qui faisait une démonstration de Taï Chi Chuan, puis a ponctué cette suspension temporelle par cette phrase « Il faudra que j’y revienne …! ».

En attendant, vous trouverez ci-dessous le plan de l’article dans son entièreté et les points qui sont ici présentés.

JE NE SUIS PAS DE CEUX QUI

– présentation

Introduction

– L’espoir

– D’évaluation il est question

1- Tribulations d’un phonème en LTIisme et en Sarkilisme

Extrait ci-dessous (points 36 à 65)

2 – Psychose névrose et religion

– Mohamed Mérah

– Nice, l’arrêté municipal du 24 mai 2012

– Le décret de Luc Châtel sur l’évaluation des professeurs

3 – Réel et réalités

– La Violenzia et Du Bellay

– Du sens au signe et de restes à trépasse

– Le patholitique du Sarkhilisme, l’Autre la tête à l’envers

Extrait ci-dessous (points 179 à 186)

Conclusions

« Conclusions » au pluriel puisqu’en 5 points distincts

EXTRAITS

1- TRIBULATIONS D’UN PHONEME EN LTIISME ET EN SARKILISME

Klemperer

36 – La ligne est ténue, si elle existe, entre les écrivains qui ont créés une œuvre de fiction pour répondre à la réalité des régimes totalitaires et ceux qui ont pointé cette réalité spécifiquement au lieu de son arme fétiche, la langue.

37 – Victor Klemperer fait partie des seconds, lui qui a survécu à la déréalisation inhérente au régime Nazi en partie de l’avoir regardé au ras de l’une de ses productions les plus conséquentes. Peut être, comme cela se dit parfois, dut il d’avoir eu la vie sauve au fait d’avoir été marié à une allemande de souche, Eva. Mais indépendamment de cela, il eu accès à ce geste vital et donc éminemment personnel de relever, durant tout le temps que dura la guerre, l’un des marqueurs spécifiques de l’idéologie prégnante, l’avènement d’une terminologie issue des réaménagements du lexique courant, frayant la voie aux valeurs nouvelles d’une langue ancienne.

38 – Dés 1933 Victor Klemperer, juif allemand, philologue, lu à travers le corpus expressif de toutes les tonalités de son quotidien et de celui de ses pairs, le modelage de la langue commune livrée aux rigueurs mal étayées de la pensée unique. L’importance de son texte, LTI La langue du IIIème Reich, a été immédiatement reconnue lors de sa parution en 1995, trente cinq années après la mort de son auteur. Crédit peut être accordé à ce livre sur bien des fronts comme par exemple d’avoir été écrit par un professionnel de la langue, de la lecture et de l’écriture. Ou encore qu’il ait été placé et par les évènements et de son propre choix au cœur même de son sujet d’élection.

39 – Mais par-dessus tout, il apparaît que le lieu de ce cœur, un pays une époque et une langue, ait pu par lui être appréhendé sous l’angle le plus à même de rendre le grain qui typiquement s’y moudrait, l’angle mort de la langue vive. Par lui, juif, vivant sursitaire, mort en devenir, lecteur consubstantiellement ainsi armé des mêmes teneurs mortifères que la langue dont il allait, en la décryptant, sans doute pouvoir se maintenir à distance, aidé en cela par le fait que Ich, comme toujours aux premières loges et ce dans toutes les langues dites vives, ist anderes !

40 – Son livre est une succession de 36 chapitres présentés comme autant de démonstrations que cette langue violente, ne serait-ce que par sa volonté d’asservir les mots à l’univocité d’une nouvelle orbite, ne pouvait s’échapper d’elle-même, s’émanciper de soi en rognant sur ses effets, du fait qu’en aucun cas le dire ne puisse esquiver le lire qui en ressort. Astreinte de la langue faisant support à ce que nous pourrions appeler le redistributif des mots, ombre ténue, vacillante, mais suffisante de liberté saisie par Klemperer qui ne cesse de nous démontrer combien le discours fort, aux creux autant qu’aux crêtes de ses rodomontades, promeut à foison ses lettres de faiblesses.

41 – Les titres qu’il utilise sont autant d’invites, portes sonnant étrangement et s’ouvrant toutes sur la plus tangible des réalités, la permanence incompressible de la langue Autre dans la langue une, ce qui défini le Réel, butée de toutes les idéologies. En une seule journée de travail, Je crois en lui, Boxe, Chip’ charbon, sont quelques uns de ces intitulés et celui que nous allons maintenant découvrir se nomme Une seule syllabe.

Du GE au JE

42 – Victor Klemperer y avance une analyse de la portée des slogans promus par le régime et de la pauvreté des formules utilisées pour les soutenir. A partir d’un chant, il cerne que malgré l’évidence, les paroles fortes en gueules et volontaristes des aubes guerrières ne riment pas avec la réalité du soir et demeurent inchangées en fin de règne nazi, sans paraître présenter dans leur monotonie roborative le moindre élément d’évolution, d’adaptation à la réalité.

43 – Klemperer précise pourtant que ce signe d’involution existait, qu’il ne l’a lui même vu qu’après coup et il nous le présente comme ayant fait office de révélateur du tournant que fut la bataille de Stalingrad. Il s’agit d’un chant officiel, un chant guerrier dont voici la partie qui nous intéresse.

 » …Ce fut pour nous une grande victoire,

Nous continuerons d’avancer,

Même si tout doit tomber en ruine,

Car aujourd’hui l’Allemagne nous appartient (gehören)

Et demain le monde entier… « 

44 – Alors que dans une conférence d’immédiate après guerre l’auteur évoquait ce chant, le Sing-Kamerad, il fut interpellé par un auditeur lui demandant pourquoi il citait de travers quelque chose d’aussi décisif en racontant ainsi que les Allemands convoitaient le monde, ce qui selon cet intervenant était faux, même sous le IIIème Reich. Rendez-vous fut pris et dés le lendemain l’homme lui apporta un exemplaire où, si les couplets étaient les mêmes, le refrain désormais se présentait ainsi,

« …et aujourd’hui l’Allemagne nous écoute (hören)

Et demain le monde entier… »

45 – Outre cette modification, Klemperer y découvrit aussi une quatrième strophe où d’après lui « …les conquérants et les oppresseurs cherchaient à se déguiser en amis de la paix et en combattants pour la liberté. »

46 – Il estime que si pour différentes raisons cette dernière strophe n’a pas eu le temps de vivre, ce qu’il appelle la rétractation des griffes, le pudique abandon de la syllabe fatale semble, lui, s’être imposé.

47 – Finissons, avant d’avancer, de le citer dans sa conclusion, « Il faut retenir cela. Dans la conscience de soi nazie, c’est précisément entre « gehören » et « hören » que passe la frontière. L’abandon de cette syllabe signifie, projeté sur le plan du chant nazi : Stalingrad. »

48 – Ce GE qui choit rappelle à notre bon souvenir la balance sur les plateaux de laquelle nous dirions ne pouvoir trouver qu’à deux poids démesure. Cette balance nous pourrions la dire trébuchet permettant de saisir le nom du grain que filtre cette finesse démesurée, le sens.

49 – Dans la langue allemande le préfixe Ge a trois fonctions précises. Une portant sur la conjugaison, la construction du participe passé des verbes simples et de ceux à particule séparable, une autre comme préfixe verbal, de renforcer le sens du verbe, et une dernière, toujours en tant que préfixe, de former des noms collectifs à partir de noms indiquant un objet physique ou non, ou à partir de verbes pour exprimer l’action de ceux-ci, ou encore pour signifier un groupe de personnes.

50 – Dans tous ces cas notons le bien, si par la syllabe GE le sens initial d’un mot est modifié ou complété, cela s’inscrit sur le registre du déport. Rien de bien extraordinaire, et même là encore lapalissade direz-vous, à ce que la combinatoire signifiante apparaisse comme ce qu’elle ne puisse qu’être, la marque de l’orientation d’un certains mouvement. A ceci près que nous est donné accès au fait qu’ici, la langue se pare en son ordinaire du gramme du jeu des mots où l’accent factice est porté habituellement sur le rictus des jeux de mots.

51 – Le contexte ou se place l’analyse de Klemperer concernant la chute d’une syllabe et le sens que l’on peut lui accorder ne nous contraint pas à nous contenter de la dit-section qu’il nous propose. Nous allons voir qu’il est bien entendu toujours possible de la compléter, comme généralement c’est l’usage a posteriori, mais encore, que la butée admise du nom de Stalingrad nous prend par la main et nous mènera en vue du hors sens poétique, travaillé cette fois sous l’égide d’un vers de Du Bellay.

52 – Dans cette troisième langue qu’est la traduction entre deux langues il y a toujours, se profilant comme l’eau de l’océan glissant sur l’étrave du bateau, ces quelques mots, ça veut dire, qui se retrouvent dans chacune une à une de ces deux mêmes langues pour y spécifier la différence d’un mot à un autre et d’un mot à lui-même. Gehören ça veut dire appartenir, Hören ça veut dire entendre et de là s’en suivrait une atténuation du sens agressif, alors que, éclairée par Klemperer, l’atténuation supposée revigore le sens original sans rien elle-même lui envier de sa portée.

53 – Nous savons tous que le problème se pose lorsque l’on en arrive au point de se demander, « Appartenir, entendre, ça veut dire quoi ? » Ça veut dire bien entendu que quoi que ce soit que ça veuille dire ça ne le dira jamais tout à fait et que tout à fait spécifiquement, où, de ce glissement, se profilerait une butée, Stalingrad, s’en révèlera en fait un décrochage de principe.

54 – Au terminus autant que commencement, à la couture capitonnée Stalingrad fleurit la reprise que Victor Klemperer évoque dans les toutes premières lignes du chapitre suivant, La douche écossaise. Il y parle du petit bain de sang qui suivit l’élimination de Röhm et rapporte que Hitler fit attester par le Reichstag qu’il avait agit en l’occasion de bon droit, rechtens. Mais alors que la langue allemande disposait de maints mots pour dire la chose, le soulèvement de Röhm et de ses troupes fut appelé la Röhmrevolte.

55 – L’interrogation de Klemperer porte ici sur le fait que pour le même objet et sans besoin apparent l’on privilégie tantôt le mot spécifiquement allemand tantôt celui spécifiquement d’origine étrangère. Ce qui nous intéresse nous au plus haut point est cette remarque avancée par lui à propos du choix du terme de Röhmrevolte,  » Sans doute des assonances, inconscientes ou semi-conscientes, jouent-elles ici (une langue qui poétise et pense à ta place !)… ».

56 – La langue forte, la LTI, place ce terme de Röhmrevolte assonant d’avec Romantisch, romantique, que Klemperer ne nomme pas, pour renforcer la connotation faible et sans avenir de l’aventure et de la langue qui la supporte. Ne perdons pas de vue que venait d’être marqué au chapitre précédent le roc Stalingrad par lequel la langue dure dû trouver assouplissement, laissant choir une syllabe, Ge, ainsi donc qu’elle avait fait choir précédemment, tout en la soutenant d’un mot, la molle révolte röhmantique.

57 – Du fort au faible et du dur au mou se révèle la langue qui toujours s’en relève, celle du poète. Et comme en la matière nous ne sommes pas en reste voyons ce que nous ouvre, à la considérer par delà la frontière, la syllabe déchue.

58 – Une considération de ce G-E qui se prononce gué en allemand et en français tout autrement. Autre langue autre mœurs pourrait on dire, qu’honorent jusqu’à l’oubli d’eux-mêmes ceux-là qui les soutiennent. Ils s’en font, de ces mœurs, les sujets au titre prononcé JE, prenant valeurs multiples de gaine culturelle. Ainsi, il, ce Je qui se validerait lui-même de lui-même se penser, cogito ergo sum,sans saisir alors la dé-pense qui ressort de ce qu’il faut bien qualifier de tour de passe-pense, s’ordonnera par ailleurs, comme évoqué précédemment, via la livrée du Je est un autre.

Il faudra que j’y revienne

59 – Ce Je, il lui arrivera aussi de se fendre, seulement en apparence la fente, d’un « Il faudra que j’y revienne ! », prononcé devant moi comme une indulgence mystifiante accordée à soi-même par son énonciateur, phrasicule – fausseté que son émissaire protégé par son statut livre sans risque à l’oreille forcée des récipiendaires alentours – à laquelle j’ai déjà fait un sort en lui accordant une analyse*. Je vais y revenir en quelques mots, alors que nous sommes partis du pas avancé par la chute du GE et que nous voilà rendus au pas soutenu par un JE représentant du même sujet que celui qui était alors énigmatiquement censé y revenir. Là question puis la réponse étant données de savoir où.

60 – Si la LTI se voulait langue forte, la novlangue instituée de celui, Nicolas Sarkozy, qui prononça cette phrase, il faudra que j’y revienne, revendique elle le qualificatif de décomplexée. Cela, qui à s’entendre être décrété avec tant de naïveté pourrait paraître puéril, à la condition de n’être pas nœud morbide. Le mortifère qui fait son lit dans ce décomplexé martelé prenant la forme d’un mantra libérateur issu d’un Coué laissant coi, n’est résolvant que de se révéler dégainer le discours totalitaire pour au final le typifier totalisant.

61 – Ce que nous allons illustrer de ce que nous pourrions imaginer être un chapitre 37 du livre de Klemperer, chapitre ayant pour titre, bien évidemment « Je ne suis pas de ceux qui… » et dont la meilleure représentation de ce qui aurait à y figurer, vacuité sans ressort, étant sans doute ce qui s’y retrouve actuellement, à savoir qu’il n’ait pas été écrit. Considérons alors sans publicité ce qui suit.

62 – Je me suis donc déjà penché, voir épanché, sur cette autre phrase, « Il faudra que j’y revienne…! », prononcée par ce même Président de la république, en exercice juste après avoir assisté à une démonstration, la mienne, que l’on pourrait définir d’être, dans l’espace, une écriture par le corps, avec une encre qui de n’être pas sympathique a tout de même la qualité intrinsèque de révéler celui qui la lit. Une démonstration de Taï Chi Chuan.

63 – Par cette phrase, « Il faudra que j’y revienne…! » ‘ dite en ponctuation de ce par quoi il venait d’être lu par moi, je relevais que ce Je, prétendant revenir là où il n’était jamais allé, était la prérogative de celui que Freud taxidermisa d’être le père de la horde. Soit le seul à pouvoir se rendre au lieu du tabou par excellence, non pas celui de l’interdit sexuel, nous y reviendrons, mais de l’impossible que ce dernier habille, c’est à dire celui du sujet où se représente la fiction d’Être.

64 – Reste alors pour nous à considérer la portée d’un discours politique tenant d’une langue dont la complexion se soutient d’un lien de privilège au lieu dit du tabou, dont la nécessité est de ce fait validée, tout en la soutenant dans le même courant, cette langue, être décomplexée. Position aux éléments tour à tour contradictoires puis complémentaires dans leur contradiction qui, pour y appuyer lourdement, trouve donc résolution avec naturel dans cette formule avancée à l’envie par le même, « Je ne suis pas de ceux qui… ».

65 – « Je ne suis pas de ceux qui… », est la pirouette d’une girouette, « Il faudra que j’y revienne », censée dépasser la dynamique des contraires nécessaire à l’élaboration de la moindre dialectique. Mais la résolution qu’elles soutiennent par là l’une et l’autre a surtout pour qualité d’indice de s’inscrire, ne nous y trompons pas, dans la voie de faire promotion d’inhumanités.

………..

179 – La part déplacée du Je déjeté est pour le coup, à rebours, en interne à la langue du Sarkhilisme son Schibboleth.

180 – Prononçable par tous, il est prononcé, universel.

181 – Prononcé par tous il efface chaque un, particulier.

182 – Pour faire écho précis aux oreilles encore dressées, disons que le franchissement de la barre ne se fait surtout pas, qui mènerait du déjet revendiqué par la maîtrise au déchet Réelisé de la psychanalyse.

183 – Il me faut tout de même ici préciser ce que revêt ce petit effet de nom, le Sarkhilisme. Conversant dans un jardin d’enfant avec un père croisé de temps à autres, j’écoutais cet homme à la tenue rigoureuse, aux jours qui suivaient l’élection présidentielle de 2012, me tenir un discours de tonalité singulière, passant de Cioran à Dupontel et rendant sur pièce, par deux signifiants qui revenaient sans cesse, le fil faisant la tresse de son discours, politique, sarcastique et nihilisme. Termes dont je fis collision pour retrouver la trame de ce qu’il était en train de définir somme toute comme étant le rendu des cinq années qu’il venait de vivre, le sarkhilisme.

184 – Qui ne devine la suite ? La négation enkystée dans le Je sarkhiliste est le Phallus coincé dans les gorges informées dont aucun collutoire ne parviendra jamais à atténuer l’inflammation. Or comme nous le savons, toute dénonciation d’un système ayant pour effet de le renforcer nous nous bornerons ici à en faire le constat.

185 – Constat qui nous amène néanmoins, s’agissant de sortir de ce qui ne laisse personne indemne, à bifurquer en direction de ce que, pour ouvrir les débats, nous ponctuions d’alternative au hopless, l’à venir, lequel se défini par référence autre, nommer ce qui se refuse au sarkhilisme. Ou encore, de diverger d’un patholitique dont à parler la langue Je donne la sienne au chat. Qui jamais ne lui rendra.

186 – Ce qui laisse augurer quoi attendre et non attendre de ce que gaineront les votes à venir.

….

Jean-Thibaut Fouletier

Paris 2012