La masquarade

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La brève qui introduit ce court texte a été écrite en 2011. Je la fais suivre ici de quelques lignes pour expliciter l’orientation qu’elle avait alors et qu’elle tient encore aujourd’hui.

MASQUARABE :

Le voile, modulable, du Niqab est banni de l’espace public quand y est autorisé celui, définitif, produit par la chirurgie esthétique. Mais le désir échappe toujours au jeu du Mutatis Mutandis. A telle enseigne que, dans ce cas il le produit.

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L’explication de l’expression Mutatis Mutandis s’exemplifie ici puisque l’un de ses sens est justement de préciser le sens d’un message pour les personnes auxquelles il s’adresse.

Le sens qui m’intéresse n’est pourtant pas celui-ci mais le suivant : «une fois effectués les changements nécessaires». J’ai voulu exprimer cette idée que les femmes ayant recours à la chirurgie esthétique dite de confort et qui se retrouvent affublées d’une bouche à pipes type inspecteur Canardo (*), d’un nez mutin coquin de biche éternellement vierge et d’yeux devenus des meurtrières au regard impuissant, que ces femmes donc répondent à ce qu’elles imaginent être le désir de l’autre et que cette réponse censée capter ce désir ne fait que le désigner à jamais perdu puisque figé dans le registre fictionnel du spéculaire. Le masque de leur visage, anonyme, démultiplié et sidéré, est l’expression de cette perte, non entérinée.

Il s’agirait par ailleurs de s’interroger sur le rapport au serment d’Hippocrate de la part des médecins qui officient en la matière. D’Hippocrate à hypocrite, la langue recèle elle aussi ses scalpels dont les nouveaux rites sociaux intègre parfaitement le maniement.

Si donc le charcutage définitif du visage au prétexte galvaudé de la perte n’émeut guère les foules et si les masques de la vanité s’insèrent tout naturellement dans l’espace public c’est sans doute que cette vanité est l’une des valeurs les plus communément recevable. Pour ne pas dire, du commun, l’incontournable étalon.

Ce que nous pouvons constater quotidiennement à travers l’expression de la pratique politique telle qu’elle se médiatise, soit exclusivement dans le registre uniformisé de la masque-arade.

C’est à ce titre me semble-t il que n’est jamais interrogé qu’univoquement le souffle qui anime le voile des femmes souhaitant porter le Niqab ou qui, dans un registre plus répandu, celui qui m’intéresse ici, ne laissent apparaître que leur visage.

Ce visage ne me semble pas moins être le masque d’un désir que celui des esthétisées qui se targuent – cela dont on semble se satisfaire – de suturer par un silence ourlé leurs désormais inaltérables récriminations.

Désir dont la meilleure reconnaissance est d’être insupporté par ceux-là même qui pratiquent et attisent cette masque-arade.

Autant en emporterait le vent s’il n’en faisait lui-même partie.

(*)

JTF, Paris, le 08-02-2015