Lhommalaise 3 (émission de radio)
Vous pouvez écouter l’émission ICI.
LHOMMALAISE
UNE SÉRIE D’ÉMISSIONS DE JEAN-THIBAUT FOULETIER
AVEC LA PARTICIPATION DE SANDRINE ALVÈS
Émission numéro 3 :
Nolli me tangere, le premier geste barrière, la névrose au fondement.
Préparez-vous.
Je vais parler en français :
une entreprise terrifiante
et qui sera une dure épreuve
pour votre amitié envers la Grande-Bretagne.
Winston Churchill
chapitre 1
To think or not to think ?
Le 23 mai 2013 Alain Supiot est l’invité de l’émission Les matins de France Culture. Le thème du jour en est La mondialisation se fait-elle au détriment de l’État Providence ? Il est alors professeur au collège de France où il occupe la chaire État social et mondialisation: analyse juridique des solidarités, Ce jour là, au cours de son intervention, il pose semble-t-il une question trop simple pour un esprit aussi brillant aux yeux de ses interlocuteurs, puisqu’elle les fait réagir vivement et manifester vouloir lui tirer la bourre en la matière, grise.
L’une d’elle plus particulièrement, Agnès Benassy-Quéré, économiste et chroniqueuse, qui se fend d’un petit rire aussi nerveux que condescendant pour l’interrompre et commencer par lui répondre ainsi, Je suis très étonnée, je ne voudrais quand même pas que les auditeurs pensent que la crise actuelle est due à la libéralisation du commerce…
Alain Supiot la laisse développer son argumentaire. Puis, avant de lui répondre sur ce qu’improprement on appelle le fond, il lui exprime ceci, qui suffit à révéler l’insuffisance de la réflexion venant de lui être opposée, Vous avez dit que vous ne voudriez pas que les auditeurs pensent, moi je souhaiterais que les auditeurs pensent justement, c’est ce que j’essaye de faire au Collège, c’est la responsabilité de l’institution à laquelle j’appartiens que les gens aient les moyens de penser par eux-mêmes. Une réponse en somme à l’insuffisance ontologique de la suffisance…
Dans un tout autre registre que celui de la pensée dite par Supiot, qui voudrait que, et de son interlocutrice, qui ne voudrait pas que, registre qui est quoi qu’il en soit celui de la pensée construite, échafaudée, consciente, il y a l’une des règles fondamentales de la pratique psychanalytique, celle dite de la libre association. L’analysant est invité à dire ce qui lui vient, le tout venant, ce qui se bouscule ou non au portillon, sans faire de tri, sans ordre de préférence. Ici, pour le psychanalyste, ni vouloir que l’analysant pense, ni vouloir qu’il ne pense pas. En fait, la libre association est une invitation masquée à en passer par l’impossible. L’impossible à tout dire. Un impossible, notons-le, qui n’est pas lesté de la même chaîne en début et en fin d’analyse.
Pour résumer la chose, disons qu’il s’agit pour l’analysant, à ce niveau, de rien d’autre que de s’essayer à dé-penser. Oui, et plus précisément, dé-penser sans compter. Pléonasme, puisque la psychanalyse met en effet à nu ceci que la pensée consciente n’est que la mise en conte C O N T E de ce compte C O M P T E qui l’anime. Historisation devant prouver que rien ne manque à la conscience afin d’être ainsi validée par un repère qu’elle aura elle-même défini. Rien ne lui manque pas même le manque…! Folie !
Folie qui se repère depuis la position de l’analyste. En la matière, pour y revenir, penser par soi-même, pourquoi pas, mais en soutenant alors sans cesse que l’autonomie de l’analysant n’est pas à situer dans une quelconque indépendance conférée par les moyens intellectuels ou culturels dont il dispose, mais par l’accès au savoir – le sien, inconscient – qu’il découvre être ce qui motive et oriente la moindre de ses pensées conscientes. Que nous nommerons pour l’occasion Les suffisantes…
Mais, si je puis dire, ce n’est pas suffisant pour serrer ce qui à ce niveau se manifeste comme n’allant pas de soi. Qui est ceci. S’agissant des pensées conscientes, il y a le sujet de ce dont il est question, ce dont on parle, ce à quoi l’on pense. Puis il y a le sujet qui parle, celui qui tient le crachoir. Ces deux sujets là sont bien souvent le reflet ignoré l’un de l’autre par un effet de miroir qui a cela de singulier que les pensées inconscientes qui les motivent, et l’un et l’autre, les pensées dont ces deux sujets dépendent totalement, sont, elles, sans sujet. Ce qui, comme nous l’avons vu, ne veut pas dire sans savoir.
Autrement dit, et c’est ça qui ne va pas de soi, le point d’appui des points d’appui de LA pensée est sans répondant. Littéralement. Est-ce qu’il y a quelqu’un ? … Silence ? Même pas ! Descartes y a porté sa réponse, insuffisante et grossière, Je pense donc je suis, soit juste ce qu’il faut d’auto-validation pour que chacun ne puisse que…penser y trouver son compte – à dormir debout. La psychanalyse anime le mortifère qui gît dans cet arrangement. Ainsi, délié par elle, il devient Ou bien je pense, ou bien je suis. Soit juste ce qu’il faut pour que quelques-uns, après avoir fait leur choix, le seul qui manifeste en être un entre ces deux propositions, s’y retrouvent bien barrés.
Puisqu’il est question de réponse, je reviens un court instant sur la suite de celle donnée par Alain Supiot lors de cette émission sur France Culture. Après que Agnès Benassy-Quéré lui ait donc affirmé que des dispositions notables et satisfaisantes ont été prises pour répondre à la la déréglementation des marchés financiers, déréglementation qui aurait induite la crise économique de 2008, dite des subprimes, Supiot la renvoie à l’invertébration des pâles mesures qu’elle mentionne comme étant censées y avoir fait réponse. Il évoque notamment pour étayer son affirmation quelque chose qui va faire écho au fameux point d’appui qui nous intéresse, celui sur lequel se fonde la parole.
Il cite en effet l’activité des assurances et rappelle que dans leur pratique, les assurances – vous savez, la corde tenue par la sirène coprophage qui bien souvent mène au vertige, si ce n’est, comme ici, à la chute – il rappelle que dans leur pratique, les assurances donc, avaient alors un périmètre de légitimité outrancier justifié par le simple fait qu’il n’y avait pas de garant à leurs crédits ni de garantie à leurs offres autres que les administrateurs légaux faisant office de juges et parti, donc partisans, pour éventuellement y contrevenir.
Outre la responsabilité des assurances il rappelle également à ce sujet l’existence du trading à haute fréquence. Le trading à haute fréquence est un outil financier que j’ai longuement décrypté dans un livre traitant de l’oùbli et ayant pour titre Signorelli, de l’oùbli du nom au Nom dupé. Le trading algorithmique, voilà un objet fascinant à partir duquel bien des fils de notre contemporanéité peuvent être tirés. Celui-ci notamment, que je vais rapporter ici de façon bien trop succincte et je m’en excuse par avance.
Le trading algorithmique donc, est, disons, un outillage informatique et mathématiques ultra perfectionné qui permet d’utiliser à des vitesses phénoménales et dans des conditions d’opacité tout à fait extraordinaires quant à son maniement, les instruments financiers qui déterminent l’activité boursière. Ces instruments financiers s’appellent les produits dérivés et leur valeur dépend d’un actif, les sous-jacents. Ce qui est notable, c’est que la valeur de ces derniers, les sous-jacents, est indexée à l’échelle du tout et n’importe quoi, véritablement.
Le polymorphisme et le caractère épars des sous-jacents, qui sont in fine le point d’appui du système, alliés aux vertus inhérentes au trading à haute fréquence – opacité d’utilisation, accès ultra sélectif et privilégié, avantages conférés disproportionnés – ont fait de l’usage, abusif par définition, des produits dérivés l’un des principal responsable de la crise financière de 2008.
Ce tout petit détour que nous venons de faire a eu pour but de tirer le fil concernant ce qu’il en est du peu de cas qui aura été fait du point d’appui de tout un système. Ou plus exactement au regard de la perspective très orientée qui aura été donnée à la nature de ce point d’appui, les sous-jacents. Dans le cadre des marchés financiers, il en aura donc résulté une crise économique mondiale.
Avec, pour y remédier, cela que je disais alors, mesures, contre-mesures, propositions, forces d’inerties, politique politiciennes, politiques financières, bref, la mise en branle de la panoplie des résolutions qui n’ont d’effectivité que l’obligation où elles se trouvent de se mettre au pas de ce qui les origines. Ce qui est une définition exacte de la pensée consciente, n’avoir de cesse, sans le savoir, que de se mettre au pas de ce qui l’origine. Ce qui gît dans l’inconscient.
La question se pose alors naturellement de la nature du rapport qui se déploie entre pensées conscientes et inconscientes. Nous savons là que l’inconscient est moins profond et éloigné du conscient que difficilement repérable par ce dernier, uniquement sous certaines conditions et ce dans un registre limité. Repérage circonscrit, sans main mise et pourtant déterminant lorsqu’il s’agit de faire pivot à l’échec se manifestant jusqu’alors par la répétition dans la vie d’un sujet.
Pour l’illustrer ce rapport, me vient à l’esprit le Balénié, dictionnaire des petits tracas du quotidien, ouvrage potache et truculent où sont décrites et désormais nommées bien des situations dans lesquelles nous nous sommes tous trouvé un jour sans qu’il n’y ait eu alors de mot pour les dire. Ce à quoi remédie donc le Balénié. Chose étonnante, la situation qui nous intéresse est la seule à avoir généré deux néologismes. Les voici. Xiévreau ou bien Zoupard : distance entre le ticket de péage et le bout des doigts tendus. 3,5cm pour le Xiévreau et 5,3cm pour le Zoupard.
Oui, c’est bien cela, de nouveaux mots et en quantité sans pour autant que la distance, quelle qu’elle soit, ne soit comblée. A faire frémir les chantres de la communication qui prônent à n’en savoir que faire le comblement des moindres espaces, temps, paroles, corps, désirs. Jusqu’à l’étouffement. Étouffement que nous vivons. Enfin, que nous sommes surmoïquement, c’est à dire avec une jouissance aussi acharnée qu’ignorée, censés vivre actuellement, n’est-ce pas ?! Comme si il n’y avait pas d’espace Autre pour le sujet que celui de la prise en tenaille entre un virus, objet de la science, et les effets de langage qu’il génère. Passons.
Parlant de distance, nous allons en revenir au Malaise dans la culture de Freud en en abordant aujourd’hui le chapitre 3. Il y est interrogation, comme toujours, de la distance, appelons ça rapport ce sera plus juste, qui est à repérer entre l’individu et la culture. Culture dans la langue de Freud traduite civilisation dans la notre. Question, toujours la même donc, de ce qui se joue entre ces deux bornes que sont le malaise et le à l’aise. Autrement dit, repérer la tonalité du discours qui situera Lhommalaise quelque part entre l’inconscient et le conscient.
Nous allons tout d’abord suivre les avancées successives que Freud nous propose presque tout du long de ce chapitre 3 pour qualifier ce qui peut définir la civilisation aux regard des Hommes. Après quoi nous nous arrêterons donc sur ce point précis qu’il dit encore une fois très clairement être absolument déterminant pour le destin de l’humanité. A savoir, l’équilibre entre l’individu et la collectivité.
Définir la civilisation, l’équilibre entre l’individu et la collectivité…, oui,… Nous sommes en 2022 et nous constatons que ces questions, qui peuvent paraître grossières d’être massives, sont au cœur des mouvements de notre époque, sans pouvoir nous déprendre de l’idée narcissique, c’est à dire masturbatoire et suffisante, que ce serait le cas aujourd’hui plus que jamais.
Ça pour le coup, c’est une confusion et qui est le fruit d’un manque de culture, pas de civilisation. Car si c’est en effet le cas aujourd’hui comme jamais, cela l’est non pas au sens d’un enjeu jamais égalé jusqu’alors – il est en réalité toujours le même, comment jouir de l’Autre ?, mais dans le sens où la réponse actuelle donnée à ces questions est unique, là oui on peut le dire, comme jamais !
Univo-cité au bord de rien, à défaut de toucher au gouffre par lequel, bonne fille, elle s’enfle, voire se fait enfler, comme la grenouille, de vouloir le combler.
Chapitre 2
De la pensée sauvage à celle du nobliau : le vase communiquant
Freud ne perd pas le fil. Dans ce troisième chapitre de Malaise dans la culture il répertorie les différents éléments qui permettent de définir la civilisation. Il dispose ses billes de façon quasi pédagogique et dans une perspective qui, venant de sa part, peut apparaître comme soutenant la recherche d’un certain consensualisme. Nous savons avec le recul qu’il n’y a pourtant rien de moins consensuel que la pensée de Freud.
Ce qui est toujours saisissant chez lui c’est le différentiel entre l’apparence de développements théoriques qui se donnent comme étant à portée de main et le totalement inattendu sinon le presque insaisissable qui en ressort au final lorsque l’on s’y penche un tant soit peu. Nous allons suivre les remarques successives qu’il déroule et met à notre disposition. Notons que ses remarques promeuvent toutes, directement ou bien en filigrane, le rapport qui s’établit dans un sens et dans l’autre entre l’individu et le collectif.
Il commence ici par nous rappeler ce qu’il a déjà développé dans les chapitre précédents. A savoir que les trois grands thèmes qui placent l’Homme dans une posture d’inconfort lors de son existence sont la puissance écrasante de la nature, la caducité de son corps et celui-ci, qu’il place dans une position d’irrésolution privilégiée, l’insuffisance patentes des mesures destinées à régler les rapports des Hommes entre eux.
Dans le prolongement de ce rappel, il remarque qu’il paraîtrait alors naturel de réaliser un retour aux sources, en abandonnant cette civilisation responsable de tous les maux. Mais il souligne que si la civilisation est classiquement tenue pour responsable des malheurs humains il est alors paradoxale que ce soit à elle que l’on s’adresse pour tenter de remédier à cet état de fait et qu’ainsi, ce serait logiquement non pas à elle mais à notre propre constitution psychique que seraient imputables nos malheurs.
Il souligne le fait que ce ressentiment, vis à vis de la civilisation, lui apparaît comme étant sans aucun doute profond et véhiculé en l’état depuis des origines anciennes. La victoire du christianisme sur le paganisme, puis la dépréciation par le christianisme du temps de vie terrestre par rapport à ce qui attend l’Homme après sa mort en sont des points pivots.
Il établit le même constat avec les voyages d’explorations qui mirent les tenants de la civilisation en contact avec des races et des peuples dits sauvages. Freud détermine que les explorateurs commirent alors l’erreur focale de croire que les facilités apparentes de la vie des bons sauvages étaient dues à l’allègement des exigences demandées par la civilisation. Cela alors qu’en réalité, elles ressortaient de la générosité – toute relative – de la nature environnante.
Il conclut cette première série de constats en évoquant la découverte de la névrose, imputable aux renoncement pulsionnels que l’Homme doit réaliser afin de satisfaire aux exigences imposées par la culture. Il suffirait de diminuer les renoncements exigés jusqu’alors par la civilisation pour retrouver un état de bonheur satisfaisant. Conclusion logique et insuffisantes contre laquelle il s’inscrit en faux.
Ces quelques premières remarques, qui sont développées dans le texte de Freud de façon infiniment plus parlantes, suffisent à pointer une particularité qui, en l’état, ne peut encore être définie que comme une tendance. Cette tendance, en référence au point d’appui nécessaire à la pensée évoqué dans le premier chapitre, je la dirais être celle du point d’accroche.
Je vais pour l’illustrer m’en référer à l’un des exemples que cite Freud. Celui des conclusions erronées établies par les explorateurs concernant la vie enviable des dits sauvages et de leurs conséquences sur une éventuelle politique à suivre à partir de là pour l’Homme dit civilisé. Avant ça, je le précise, le point d’accroche que j’avance est à considérer comme le pas de vis pour insertion du point d’appui. L’un comme l’autre n’étant que des indicateurs, des exemples de ce dont peut faire choix pour se soutenir dans son expression le sujet du langage.
Le bon sauvage vivrait donc bien. C’est l’accroche de l’explorateur. Et sa qualité de vie – qui deviendra qualité de service ou bien pouvoir d’achat quelques années plus tard pour le civilisé – sa qualité de vie était moins considérée comme provenant de son cadre de vie pratique que du fait que, par définition, n’étant pas civilisé il était moins contraint et limité dans l’expression de ses pulsions par les injonctions issues de la doxa.
Je ne vais pas refaire ici le parcours des relations liant la découverte du peuple autre à la subjectivité de celui qui y a à faire pour la première fois. Non, je vais simplement porter à votre connaissance un élément qui pourra tout à fait le moment venu faire partie d’éléments prenant place dans l’histoire la plus officielle qui soit et qui nous permettrons d’avancer en direction des horizons ouverts par Freud.
Cet éléments est un ensemble de feuillets qui proviennent du Cameroun du début du 20ème siècle. Il s’agit de rapports établis par les administrateurs français auprès des représentants des pouvoirs locaux pour rendre compte des us et coutumes en vigueur. Or, surprise, il s’avère que ce qui ne devait être qu’un relevé de pratiques éparses, décousue et sans consistance, se révèle être un maillage de lois étayées et liées les unes aux autres dans un rapport de tressage ne cédant en rien à celles du pays, la France, dont étaient originaires ceux établissant ce relevé.
Ce que cela veut dire c’est que l’altérité, la différence repérable, le décrochage à partir duquel allait pouvoir s’établir une relation permettant des transvasements de valeurs, était mis à mal puisque l’alter, le sauvage, se révélait au fond être un semblable, en cela qu’il était assujetti à l’identique aux lois faisant la communauté à laquelle tentaient de se soustraire ceux qui venaient lister son mode de vie pour établir la typification de sa jouissance.
Constat qui nous permet de revenir sur une remarque incidente faite plus haut et qui nous donne accès à un point crucial là où nous en sommes de notre avancée. Il s’agit de la remarque concernant la définition de la civilisation et l’équilibre entre l’individu et la collectivité dont l’enjeu disais-je est en réalité toujours le même, jouir de l’Autre. Avec un grand A.
Jouir de l’Autre, Autre dans cette acception, avec un grand A, ce n’est ni un asservissement ni une soumission morale, mais une reconnaissance d’astreinte à la structure. Cela veut dire notamment être soumis au jouir depuis l’Autre, depuis le lieu Autre, toujours avec un grand A, qu’est la réserve du langage. Ce qui implique qu’il n’y a pas de réduction possible de la distance à laquelle la jouissance soumet ceux qui s’y frottent et qui, à trop vouloir s’en rapprocher, inéluctablement, s’y piquent.
En effet, vouloir réduire cette distance ne peut trouver de résolution qu’avec la consumation de ceux qui s’y essayent. D’où cette formule décapante de Lacan, La jouissance, ça commence par les chatouilles et ça fini par le bidon d’essence. Ici, concernant le point d’accroche à la jouissance, pour synthétiser l’alternative que la psychanalyse substitue à la fantaisie de Descartes, c’est, ou bien la répétition ou bien la castration. C’est à dire, ou bien la répétition de la jouissance jusqu’à s’en consumer, ou bien la castration à partir de laquelle seulement il est possible de s’ériger.
Un épisode de l’histoire de France nous éclairera à ce sujet. À condition que l’on ait encore les moyens de recevoir comme fait de structure une coche historique dont la lecture aura jusque là été totalement phagocytée puis sédimentée par les nécessité de ce qui fait cause commune, l’oubli. Cet épisode est celui que l’on désigne habituellement comme étant celui du vase de Soissons.
Une remarque en passant, puisque cela fait deux fois coup sur coup que j’utilise le terme de structure, je le précise brièvement, la structure est à prendre ici comme étant l’ensemble des lois, et de leurs effets, inhérentes au langage. C’est à dire, le système langagier, inconscient compris bien entendu, il ne pourrait en être autrement, dans lequel sont pris les humains et ce hors les petites légiférations par lesquelles ils croient pouvoir l’asservir et le maîtriser. Illusion de maîtrise qui pour le coup, de ces lois, n’en est que l’un des effets. Fermons la parenthèse, retour au vase de Soissons.
Je vais à dessein jouer sur les codes collectifs en me contentant de nommer la chose, l’épisode du vase de Soissons, ce afin d’ancrer le présupposé habituel, qui est que tout le le monde sait ce dont il s’agit – on s’comprend – et que le savoir en question est le même pour tous. Je souligne juste comme un clin d’œil que de là où nous sommes tous censés être situés, parlant de l’oubli comme cause commune, nous sommes sommés de pouvoir résumer cette histoire à une affaire de mémoire. Sur laquelle je reviendrai.
S’extrayant alors du magma de la connaissance collective Michel Foucault dessine une lecture donnant accès à une réalité toute autre. Il passe à ce sujet de la mémoire au pouvoir. Et que nous dit-il ? Ceci, très simple – tient, retour à Supiot – ceci très simple donc que nous retrouvons dans le cours donné au Collège de France, le 18 février 1976, alors que le travail qu’il présenta cette année là avait pour titre Il faut défendre la société.
C’est là que l’on rencontre le second épisode du vase de Soissons. C’est le moment où Clovis, qui n’avait pas encaissé l’interdiction qui lui avait été faite de toucher au vase, passant une revue militaire, reconnaît le guerrier qui l’avait empêché de mettre la main sur ledit vase. Alors, prenant sa grande hache, le bon Clovis casse le crâne au guerrier, en lui disant : «Souviens-toi du vase de Soissons». Affaire de mémoire donc…, puis,…
On a là exactement le moment où celui qui ne devrait être qu’un magistrat civil – Clovis – maintient la force militaire de son pouvoir, même pour régler la question civile. Il se sert justement d’une revue militaire, c’est à dire d’une forme qui manifeste le caractère absolu de son pouvoir, pour régler un problème qui ne devrait être qu’un problème civil. Le monarque absolu naît donc au moment où la forme militaire du pouvoir et de la discipline se met à organiser le droit civil.
Donc, effectivement, ce que souligne Foucault est très simple, c’est que l’épisode du vase de Soissons n’est pas là pour nous prouver a posteriori que Clovis avait une bonne mémoire et n’était pas soumis aux affres de l’Alzheimer, mais que son geste s’inscrit dans un mouvement où la jouissance qu’il soutient définie les nouvelles lignes du pouvoirs de celui qui s’y colle. Nouvelles lignes de pouvoir issues de la confusion très calculée des genres qui font de lui un monarque absolu. Comme c’est toujours le cas dans ce type de configuration. Je veux dire, comme c’est encore le cas. Bien.
Foucault avance cependant une autre raison, plus importante à ses yeux, pour justifier de ce virage menant à un pouvoir inédit jusqu’alors puisque lesté du poids de l’absolu. Il s’agit de l’alliance qui s’est forgée entre le pouvoir royal et l’ancienne aristocratie gauloise. Pour le coup je vous laisse ouvrir les deux cours des 11 et 18 février 1976 et en parcourir le liant.
Un liant qui, concernant cet aspect des choses, tient à ceci que, via un jeu de positionnements affectés par les uns aux autres, les différents corps sociaux ont livrés leur advenir à ce que Foucault, synthétisant la vision de Boulainvilliers, nomme le savoir-langue.
Si la noblesse a perdu le pouvoir cela tient au fait qu’elle ne parlait plus la langue dans laquelle s’érigeait la loi. Mais encore, et là je reprends directement Foucault parlant au nom de Boulainvilliers, Vous ne récupérerez pas le pouvoir si vous ne récupérez pas le statut des savoirs dont vous avez été dépossédés – ou plutôt que vous n’avez jamais cherché à posséder. Car en fait, vous vous êtes toujours battus sans vous rendre compte qu’à partir d’un certains moment la vraie bataille, à l’intérieur au moins de la société, ne passait plus par les armes mais par le savoir. Et Boulainvilliers de continuer, Nos ancêtres se sont fait une vanité capricieuse d’oublier qui ils étaient.
Voilà qui nous permet de revenir à l’idée de l’oubli comme cause commune que je posais à l’entame de ce développement. L’oubli de soi est non pas l’abdication par déresponsabilisation devant un soit-disant savoir collectif qui dépasserait l’individu, qui le dépasserai ante cultura si je puis dire, mais le refus pour celui-ci de conquérir sa propre langue.
Je précise à nouveau, sa propre langue cela n’est pas la parole normée que véhicule la suffisance châtiée de la grammaire orthopédique souffrant l’orthographie des manuels scolaires. Sa propre langue c’est celle cochée par l’inconscient que met non pas à jour mais dont permet de disposer à court titre de séjour la psychanalyse.
Quel est il ce titre de séjour ? Et bien ce qui est sûr déjà – certitude irrecevable de but en blanc – c’est qu’il n’est en aucun cas assimilable aux moindre certificat émit par un organe officiel qui permettrait l’accès à. Ceci pour la bonne et simple raison qu’il y aura toujours un achoppement. Entre, premier point, la certitude autorisée qui, tel les retours d’affection garantis par les marabouts bonimenteurs, se traduirait par l’accès certifié à l’objet de la demande et, deuxième point, la rencontre à Lalangue qui a pour lieu l’extraterritorialité dont se dénote l’inconscient. Extraterritorialité dont la touche est rendue par ceci que l’objet du désir n’en est pas la cause. C’est à ignorer cette réalité que l’on s’accroche avec vénération aux pots cassés.
Cette Lalangue, je le précise pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler, s’écrit en un seul mot et ce mot vient de Lacan. Lalangue. Là où Foucault conceptualise le savoir-langue qu’il s’agirait de se réapproprier pour que la partie du corps social n’ayant plus accès au pouvoir s’y reconnecte, Lacan discerne Lalangue, celle propre à chaque sujet et qui en traverse le corps.
Dit ainsi cela semble avoir peu de portée. Mais en a pourtant, à commencer par celle-ci, que concernant Lalangue, ses effets – de jouissance – n’en sont jamais repérés par le scanner du corps médical. Tout juste passe-t-on – muscade – d’une possibilité de profération – la vérité que tente de dire le sujet – à ce qu’il faut bien appeler sa prophylaxie.
Autrement dit, le rapport ouverture – fermeture est la mesure d’incompatibilité patente qui lie entre eux l’Homme et la civilisation. Incompatibilité redoublée par le fait que ce rapport est le même de chacun à lui-même.
Chapitre 3
Penses-moi je rêve !
La suite de ce que Freud liste afin de nous permettre de saisir que l’inadéquation foncière de l’Homme à la satisfaction dans son rapport à la civilisation, est empreinte de modernité au sens où chacun des éléments qu’ils prend pour exemple afin d’étayer ses dires, éléments de son époque, chacun de ces éléments pointe une analogie si ce n’est un calquage parfait avec ce qui nous semble définir la situation contemporaine de ce même rapport à l’insatisfaction.
Mais, à la différence sans doute de la plupart des chercheurs de notre temps, il y a dans le cheminement de sa pensée un éléments qui ne manque jamais de me frapper. L’humour. La question se pose ici directement de savoir pourquoi l’humour semble a contrario exclu de l’horizon des intellectuels actuels ? Sans doute est-ce là la conjonction de plusieurs éléments.
À commencer par la croyance, validation imaginaire donc, que la sériosité soit un gage de non compromission. Avec le frivole pour le chercheur, avec le risque de l’inconsistance pour ceux qui le suivent. Et pour les deux parties, s’entendre sur ce que l’on pourrait appeler un ainsi acquis de principe censé valider et crédibiliser les positions de chacun. Cela indépendamment de ce qui ne manque pourtant jamais de découler de ces positions, l’expression de leur vanité, du fait de la foi – mauvaise – qu’ils y engagent. Ce que résument les paroles du personnage du film Au nom de la rose, le bibliothécaire ennemi du rire Jorge de Burgos EXTRAIT. Le rire tue la peur et sans la peur il n’est pas de foi.
Mais il y a un autre point qui semble justifier ce parti pris de suspicion vis à vis de l’humour, et là avec des conséquences… plus conséquentes si je puis dire. Notamment celle de manifester les limites de principe, c’est à dire indiscutées d’être imaginaires encore une fois, de ceux qui s’astreignent à tenir une posture rigide à son égard. Je vais éclairer ma lanterne par l’un des exemples les plus frappant qu’il m’ait été donné de repérer à ce propos.
En 1963 le journal The New Yorker avait dépêchée Hannah Arendt à Jérusalem pour suivre le procès de Adolf Eichmann. Voici entre autres ce qu’elle en rapporta. J’ai lu son interrogatoire de police, soit 3600 pages, de très près, et je ne saurais dire combien de fois j’ai ri, ri aux éclats ! Un rire qui lui fut reproché comme bafouant la sacralisation du jugement qu’il convenait de porter sur les actes de celui qui représentait à ses yeux la banalité du mal.
La banalité du mal, soit, le pire à portée de tous puisque possiblement et effectivement supporté par tout un chacun – Eichmann en était la preuve vivante. Nous y reviendrons lors de l’une des prochaines émissions puisque nous aurons à nous pencher sur le commandement biblique que Freud ne laisse évidemment pas passer, Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
Mais alors, ce rire, ce rire au-delà du pire, le comique qui point au-delà de la tragédie, comment ne pas reconnaître en lui l’une des figuration du non sens. Le non sens que la psychanalyse parvient cliniquement à faire émerger comme animant au final la moindre des causes par laquelle l’Homme tente de se soutenir face au mouvement de ses inerties ? Oui, le non sens par delà toutes les raisons, cela de, la raison, l’infiltrer toute.
A ne pas réaliser cela et à se contenter de courber l’esprit devant cette réalité on créé un espace, à défaut de franchir une étape, espace qui mène de la vénération des pots cassés dite plus haut, Soissons et autres, à l’ancrage des malédictions que l’on manifestait vouloir dénoncer par un procès. Eichmann et autres.
Ici, la fermeture à l’au-delà du tragique promeut l’endogénéité qui comme tout système en vase clôt a pour horizon son propre effondrement gravitationnel. Il y a pourtant bien un au-delà comique de la tragédie et le sérieux de principe qu’on lui oppose n’est que le masque d’une lâcheté partagée hier et aujourd’hui avec la plus grande prodigalité.
Ce que ne souffre pas Freud.
Freud et l’humour. Il ne s’agit pas dans le passage que je vais rapporter de l’une de ces histoires de marieurs dont il avait coutume d’illustrer certaines de ses démonstrations. Non, il s’agit de ce qu’il nomme ce plaisir à bon marché prônée par l’anecdote connue. Le procédé consiste à exposer au froid sa jambe nue, hors du lit, pour avoir ensuite le « plaisir » de la remettre au chaud. Je puis reconnaître que l’on apprécie plus ou moins, selon ses goûts et son humeur du moment, le comique de ce qu’il décrit. Personnellement j’y goûte avec une grande délectation.
En tous cas, ce qui est là comique, indubitablement, c’est ce pourquoi il utilise pour illustrer son propos le ridicule de ce procédé, avec son côté pédalage dans la choucroute. Un pas en avant pour illusion de satisfaction à condition pour cela de devoir ensuite refaire un pas en arrière. Il pose là un ça n’avance pas minablement satisfaisant afin de définir la place à laquelle devrait être cantonnée l’évidente évidence de la satisfaction que promeuvent les objets du progrès. Indiscutés quand ils sont tous dispensables.
Ce qui, comme toujours, est saisissant, une fois ce constat fait, c’est combien il permet de porter un autre regard autre – en l’occurrence piqué d’une pointe de relativisme, quoi de plus suspect ? – un regard autre sur des éléments de notre quotidien considérés comme des acquis du progrès. Alors que, progressistes, ils ressortent on ne peut plus directement de la même logique à petit pieds. C’est le cas de le dire.
Ces objets, Freud dit qu’il est facile de constater qu’ils ne rendent pas les Hommes plus heureux mais toujours plus dépendants. Il parlait déjà entre autres du téléphone… Quels sont ils désormais ces objets et quelle est la réponse qu’on leur apporte ? Et bien pour ne pas changer lorsqu’il s’agit d’aporie, la réponse est dans la question, puisque la solution que l’on apporte au malaise qu’ils génèrent est un nouvel objet, thérapeutique, qui a exactement la même voilure que ce qu’il est censé dissoudre. Comment s’en étonner puisque dans le registre de l’imaginaire l’homothétie est loi ?
De fait, cet outil thérapeutique ne dissout pas le malaise, il en enfle sa propre voile et le redistribue tout du long de sa marche qui se veut aussi parfaite qu’elle est en réalité forcée. Je parle là de ce que l’on appelle le comportementalisme. La pratique à travers laquelle on tente de déshabiller le sujet pour en faire un objet à l’identique de ceux qui génèrent son symptôme. C’est un tour de passe-passe qui ne dure qu’un temps.
J’ai un peu froid, et hop, je sors la jambe du lit, hop j’ai encore plus froid, hop je la rentre, hop j’ai la satisfaction pour quelque temps d’avoir moins froid et hop ça recommence… Hope, espoir en anglais, isn’t it ?! Servit à la sauce Oscar Wilde cela donne, Le premier mariage est le triomphe de l’imagination sur l’intelligence, le second est le triomphe de l’espoir sur l’expérience. Nous en sommes au troisième, où l’évaluation objectale triomphe de tout. Sans objection du sujet à l’objet ni de l’objet à abject.
L’humour…avec peu de moyens mais à grand frais car le prix à payer est lourd. Cette jambe que l’on sort du lit, ce bout de corps, objet d’un sacrifice répétitif et sans portée autre que de désigner l’inertie du reste du corps, représente en réalité l’alternative pathologisante à la castration.
A ce sujet, celui de la castration, le moment est venu de m’expliquer sur ce que j’ai avancé au début de notre cheminement d’aujourd’hui. A savoir qu’en bout de parcours la psychanalyse accordait aux analysants la possibilité d’être bien barrés. Cela veut dire qu’elle leur permet d’accéder à la castration. La castration étant à entendre comme ceci que l’Homme valide le fait d’être entièrement pris dans le système symbolique, système symbolique qui pourtant, lui, ne recouvre pas tout ce qu’il en est de l’Homme. Confer ce que la sexuation à de non-inscriptible.
A ne pas faire l’économie de la castration donc, mais à s’en faire l’agent, la psychanalyse permet au sujet de l’analyse de se voir mis en lien avec une limite structurelle. il est barré. Il est barré dans son discours. Mais dans le même mouvement, cette barre, qui marque sa limite, est celle qu’il pourra tenir à la main de son désir. Celui que de fait il aura mis à jour en ayant eu à faire au manque situé dans le symbolique. Un manque très particulier qui, de ce désir, en est constitutif.
Cette barre qui désormais le barre, il la maniera exactement comme un marin manie celle de son embarcation pour franchir la vague perpétuelle qui sépare le fleuve de l’océan, vague perpétuelle que l’on appelle… la barre.. Voilà ce que voulais dire le sujet bien barré.
Ce que j’essaye moi de dire avec une sorte d’humour, à ma façon, c’est que les objets d’insatisfaction que disait Freud, ceux des avancées technologique et dits objets du progrès par exemple, ces objets dans lesquels nous sommes immergés, sont produits par la réponse qu’on leur apporte. Cette réponse est issue de la méthode Coué et je la désigne sous le vocable de Couéching. Elle pourrait être dite tout simplement Évaluationnisme.
Que ce soit le dressage à bas bruit du comportementalisme, le fouet feutré du coaching ou bien la soumission rayonnante au mentorat, tous sont des habillages pervers que s’impose le sujet, lequel se consume, d’en jouir à corps perdu.
Parlant de corps perdu, égaré, cela nous amène à cette sentence bien connu de tous, Nul n’est prophète en son pays. Cela ne veut pas dire qu’il faille, comme le mouvement de la jambe, s’exiler puis revenir pour être entendu. Cela dit simplement, même si là encore c’est inaudible de prime abord, que le corps ne se conjugue pas. Qu’il soit traversé par le langage c’est un fait, mais un langage qui ne se résume pas aux règles d’orthographe et de conjugaison qui l’asservissent sous couvert de l’orienter. Le corps n’est donc ni conjugable ni prévisible, il ne se prophétise pas. Il est simplement lisible à partir des effets de la lettre de l’inconscient qui le traverse.
Nul n’est prophète en son pays. Mais je sais lire. Et selon la perspective que je viens de décrire cela va me permettre de vous toucher un mot de ce que devient le corps soumis aux réponses Évaluationnistes à tous crins, contemporaines, dont la patente semble si satisfaisante. Je vais vous en toucher un mot via un mythe Grec assez peu connu, le mythe de Marsyas.
Marsyas est un satyre qui a récupéré la flûte qu’Athéna avait abandonnée tant son visage était laid lorsqu’elle en jouait. La flûte a cette particularité quelle peut jouer seule et Marsyas se sert de sa ligne mélodieuse pour séduire ceux qui croisent son chemin. Le Dieu Apollon s’en offusque et un concours est organisé pour savoir qui de Marsyas ou d’Apollon joue le mieux. Après un premier tour à l’issu duquel l’arbitre Mydas déclarera l’égalité entre les deux protagonistes – il le paiera cher – il est décidé que ceux-ci devront pour se départager jouer de leur instrument à l’envers et chanter en même temps. Marsyas échoue et Apollon, vainqueur, l’attachera à un arbre avant de l’écorcher vif.
Voici maintenant ce qu’en son temps j’ai déjà extrait de ce mythe. L’objet satisfaisant qui comble à plein celui qui l’utilise n’est pas sans lien avec la ligne autonome et toujours en mouvement que la flûte peut rendre. Cette parole qui s’anime sans sujet, est, vous l’aurez deviné, la ligne de l’inconscient. Mais vouloir mettre la main dessus, soit en la déniant, soit en pensant pouvoir la prendre en bouche sous couvert de maîtrise, sans prendre en compte sa dit/mansion ne rate jamais son humain. D’une façon ou d’une autre, figurée ici de la plus cruelle des façons, il y laisse sa peau. Comme déjà dit, il s’en consume. Cela est tout à fait repérable. Encore faut il pour cela s’en donner les moyens et les supporter, puisque touchant à l’insatisfaction, au malaise…
Notons que le geste qui dans le mythe impulse la découpe de Marsyas jusqu’à son mortel dépeçage est un geste que le psychanalyste connaît bien puisqu’il porte par ailleurs en chirurgie le nom d’incision. Or l’incise est, via le langage, l’un des mode d’accès que l’analyste utilise dans sa clinique comme interprétation par rapport à la ligne de parole de l’analysant. Il l’utilise notamment pour permettre à celui-ci de se décoller d’une parole par et à laquelle il était aliéné sans avoir pu jusque là trouver la barre lui permettant d’en fendre le flot, le répétitif, sans chavirer.
A ce niveau, dans sa pratique, lors d’une séance, le psychanalyste peut se manifester, c’est une possibilité, de répéter un mot qui vient d’être dit par l’analysant – pas n’importe lequel et pas n’importe quand – en faisant le pari que ce mot ainsi entendu en retour par l’analysant depuis l’Autre, avec un grand A, depuis Ailleurs, avec un grand A, que ce mot ainsi entendu en retour donc fera pivot à la répétition mortifère que lui promettent toute honte bue, puisque n’en ayant aucun savoir, les promoteurs de l’objet du progrès. Autrement dit par Lacan, c’est en repérant les amarres de son être à la chaîne signifiante que le sujet peut changer le cours de son histoire. Mais certainement pas en en dupliquant les anneaux à l’infini.
Marsyas a connu avant l’heure, avec la flûte d’Athéna – c’est du pipeau – l’objet illusoire. Et si disponible pourrais-je ajouter. Il est représenté actuellement, entre autres, par ce que les pré-adolescents appellent les vidéos satisfaisantes. Ce sont des vidéos devant lesquelles ils se calent et qui sont des images répétitives à l’infini d’objets… qui fonctionnent. Un pressoir d’olives… qui presse des olives, par exemple. Quelques temps plus tard ce seront les même fonctionnements pornographiques qui fonctionneront. C’est à dire adaptatifs, assubjectivés et mécaniques. Plan, Do, Check, Act…. Dans tous les champs de l’expression humaine. Il faut – voire il faute que cela fonctionne. À l’aise coûte que coûte, et ne surtout pas entériner que, malaise, cela déconne.
Chapitre 4
Destins croisés de Publius Horatius et de la cité.
Nolli me tangere
Nous allons maintenant aborder la dernière partie de notre avancée du jour. Pour l’introduire je dirais ceci. Si la règle de la libre association a déjà été évoquée aujourd’hui, il s’agirait d’en rappeler une autre, sans aucun doute moins mise en avant, mais tout aussi fondamentale. Celle proposée à l’analysant de ne pas acter de grandes décisions durant le temps de son analyse. Freud soutient cela de ce que, dans ce laps de temps, tout acte doit être considéré comme une répétition du symptôme et que la répétition par l’acte se substitue au souvenir. Ce qui est une résistance puisque cela va à l’encontre de la pratique analytique qui opère par la remémoration pour en finir avec la répétition dans laquelle le sujet est enferré.
Cette mémoire pour accès au savoir inconscient, je l’ai ciblée dans notre pratique, en son temps, non pas au plus haut point mais en un point décentré que personne jusqu’alors n’avais été investir. Je l’ai fait à propos de l’oubli du nom et de ce que Freud à pu en dire à partir du nom du peintre Signorelli. C’est un autre travail et du coup je ne le rapporterai ici, ce point, que de façon allusive en posant que la mémoire est un lieu et qu’un lieu est… in-des-truc-tible. La conséquence en est qu’il s’agirait de rendre ce ressort à l’oùbli en l’inscrivant comme il se doit, c’est à dire o-ù- accent grave – b-l-i. À bon entendeur planche de salut.
C’est depuis cet oùbli, avec accent donc, que Freud pose massivement un bon nombre de luttes au sein de l’humanité se livrent et se concentrent autour d’une tâche unique : trouver un équilibre approprié, donc de nature à assurer le bonheur de tous, entre ces revendications de l’individu et les exigences culturelles de la collectivité. Et c’est l’un des problèmes dont dépend le destin de l’humanité que de savoir si cet équilibre est réalisable au moyen d’une certaine forme de civilisation, ou bien si au contraire ce conflit est insoluble.
Il parle du lieu de la cité. Depuis le lieu de la cité. Celle à propos de laquelle, m’appuyant sur l’épisode du vase de Soissons tel que communément partagé, je disais souligner comme un clin d’œil que, parlant de l’oubli comme cause commune, nous sommes tous sommés de pouvoir résumer cette histoire à une affaire de mémoire. Sur laquelle je reviendrai.
Et bien c’est maintenant que j’y reviens. Et nous allons pour cela devoir voyager un peu et passer de Soissons à Rome. Puisque la mémoire, fille de l’oùbli, d’être à son service, est un lieu.
Rome, au 7ème siècle avant Jésus-Christ. Rome qui était en guerre avec ceux de la cité de Albe-la-Longue. L’histoire se raconte de mille façons, mais il n’y en a qu’une que l’on retient. Que l’on retient pour se lier les uns aux autres et ainsi faire cité. Concernant la guerre entre Rome et Albe-la-Longue, nous avons tous retenu cela qu’elle se solda par l’affrontement de deux fratries, les Horaces et les Curiaces, chacune constituée de trois frères représentant une cité. Rome pour les Horaces et Albe-la-Longue pour les Curiaces. Voici maintenant le récit de cet affrontement tel qu’ancré dans la mémoire collective.
Un premier assaut voit les Horaces et les Curiaces s’affronter, assaut à l’issu duquel deux Horaces sont tués. Le dernier d’entre eux, Publius Horatius reste seul face aux trois Curiaces. Devant leur supériorité il tente de leur échapper et se met à courir pour s’enfuir. Les trois Curiaces se lancent à sa poursuite. Mais, suite au premier affrontement, ils sont chacun blessés à des degrés de gravité différents. C’est ce qui fait que dans leur course à la poursuite de l’Horace ils sont rapidement séparés les uns des autres. Publius Horatius fait demi-tour, s’en vient à la rencontre de chacun des trois Curiaces et les tuent, scellant ainsi la victoire de sa cité, Rome. Voilà pour la mémoire.
Nous allons maintenant suivre le même cheminement que celui parcouru à propos du vase de Soissons et passer de la mémoire au pouvoir. En remportant le combat qui se sera livré devant Rome, les trois Horaces auront préservé les murs de la cité. Même si cette victoire sera au final particulièrement le fait de Publius Horatius qui restera seul en vie. Cela veut dire que, outre ses habitants et leurs biens, ce qu’il aura sauvegardé de la cité c’est ce qui défini une civilisation, à savoir la loi commune qui y règne.
Mais, si il y a l’intégrité d’un intérieur à préserver face à ce qu’en serait un extérieur, l’autre nécessaire pour cela, cela n’est qu’un premier temps. Car la loi qui est la garante de cet intérieur doit elle aussi être validée. Et cette fois-ci, second temps, elle ne peut l’être que de l’intérieur même de la cité. Autrement dit, les forces qui risquent en permanence d’abattre ses murs proviennent des deux côtés de ces mêmes murs. De ce fait ceux-ci ne tiennent debout, voire ne s’érigent, qu’à la condition de se constituer d’un savoir. Celui de pouvoir répondre également aux coups de boutoirs, d’où qu’ils viennent, de l’extérieur ou bien de l’intérieur.
Alors, après avoir répondu à l’extériorité, pour que ce savoir se réalise, pour qu’il se réalise sans forcément être su d’ailleurs, il s’agit que la structure soit avérée par sa tranche interne. Et ici, comment celle-ci se manifeste-t-elle ? Et bien après sa victoire, Publius Horatius passe triomphalement les murs de Rome. Et que voit il ? Sa sœur, éplorée, qui reconnaît sur les épaules de son frère la cotte d’arme qu’elle avait elle-même tissée pour son amant, l’un des trois Curiaces, tué par son frère. Ne faisant ni une ni deux, ce dernier, la tue à son tour pour ce qu’il juge être une infidélité à la mémoire des ses frères, une ombre à son triomphe et une émancipation par rapport à la place que doit tenir une femme.
Après son exploit retentissant, nous pourrions imaginer qu’il aurait pu être absout de ce crime. Mais c’est précisément son statut de sauveur de la cité vis à vis d’une extériorité qui le rend nécessairement comptable de cet assassinat. Il devient ainsi la poutre maîtresse des lois de la cité, leur garant sine qua non, mais en interne cette fois, puisque sa condamnation à mort, si justifiée soit elle par son acte, ne se justifie en réalité qu’au regard du fait que très précisément, au-delà de quelque justification que ce soit, et bien de justification tout acte n’en a qu’une, celle de servir les lois de la cité. De les étayer. Et cela tout à fait nécessairement concernant celui à qui la cité doit sa survie et qui devra – non pas pourtant mais du coup – impérativement lui soumettre la sienne.
Fratricide d’une cité à l’autre. Puis sororicide dans sa cité. Encore une fois, ou bien déjà, ou bien toujours, ce que cela dit – attention soyez attentifs, ce que je vais avancer n’est pas attendu – ce que cela veut dire c’est que le vainqueur est pouvoir. Et non pas l’inverse. Et c’est par là que nous passons du pouvoir au savoir.
Si j’avance la chose convenue, à savoir Le pouvoir est vainqueur, vous sentez bien que cela sonne comme un espèce de fatum pour ceux qui appellent à des lendemains qui chantent et au contraire que cela conforte les tenants d’un ordre rassurant, celui du plus fort, dans l’imaginaire du doigt sur la couture. Avec Le pouvoir est vainqueur, dans un cas comme dans l’autre il y a validation par rendez-vous avec la satisfaction à laquelle donne accès le déterminisme. Déterminisme dont la fonction, intellectuelle ou autre, n’est que d’être un rempart à l’angoisse.
Si au contraire, comme je le fais, je repère que Le vainqueur est pouvoir, cela dit bien autre chose qu’une résolution par aléatoire issue d’un advienne que pourra. Bien autre chose que quel que soit le vainqueur il représentera le pouvoir qui lui prévaut, c’est convenu, c’est comme ça. Le vainqueur est pouvoir cela dit que de vainqueur il ne peut y en avoir qu’un. Mais non pas après sélection – auquel cas sa consistance importe peu comme nous sommes bien placés pour le savoir – non pas après sélection ou élection donc, mais avant toute péripétie historique.
L’Histoire et les histoires qui distribueraient les rôles ne sont que des redistributions a posteriori d’un fait de structure. Un fait qui n’est en rien de l’ordre de la répartition des places, comme l’on délivre des satisfecit, mais un fait qui se livre pour accès à la dimension du savoir. Du savoir inconscient. C’est ça la structure, la ligne d’un savoir indépendant situé en un lieu depuis lequel, tout est là, ses effets se diffusent.
Les effets de ce lieu, situé, sont les situations, qui nous situent. Effets de structure dont nous sommes les sujets. Le vainqueur est pouvoir, cela veut dire qu’il y prévaut au pouvoir d’être issu de la structure, d’être issu du savoir généré par les lois du langage. Lois du langage auxquelles sont astreints Publius Horatius et tous ceux de la cité. Qu’ils le sachent ou – le plus souvent – non.
Bon. Nous touchons au but pour aujourd’hui et je vais encore vous propose un dernier effort. Justifié bien entendu. Nous allons ponctuer les sauts que nous venons d’effectuer, de la mémoire au pouvoir et du pouvoir au savoir en écoutant un instant, puisque Freud nous dit que c’est là que se situe le destin de l’humanité, le lien qui lie durant le combat la voix de la foule et celle de Publius Horatius. Après quoi, pour en finir et, mettons, pour vous remercier de votre attention du jour, je dirai un mot concernant le lieu depuis lequel s’inscrit le titre de l’émission d’aujourd’hui, Nolli me tangere, le premier geste barrière, la névrose au fondement.
Il y avait six combattants lors de l’affrontement entre les Horaces et les Curiaces, mais ce que nous devons maintenant entendre, hors le cliquetis de leurs armes, leurs souffles, leurs cris, leurs gémissements et leurs paroles, ce sont les manifestations de la foule, ses réactions au fil de ce à quoi son regard, ses regards, l’auront soumise durant, disons cela ainsi, durant le lieu du combat.
Représentons-nous un gigantesque espace occupé par deux foules immenses. Ceux de Rome et ceux d’Albe-la-Longue. Deux foules qu’une ligne sépare. Au creux de cette ligne, l’élargissant à peine, un cercle à l’intérieur duquel sont placés les deux fratries qui vont s’affronter et qui représentent chacune l’une des cités.
Représentons-nous maintenant les sons et les silences qui vont accompagner ce combat. Lors de la mise en place des six guerriers la foule scindée en deux foules communie avec la même ferveur dans les encouragements adressés à ceux les représentants que dans la profération d’insultes à l’endroit de leurs ennemis. Puis, dans les instants qui précèdent le premier assaut c’est le silence. Les deux camps sont reliés par le même silence recelant les mêmes vœux de part et d’autre.
Le combat commence et si la clameur est commune aux deux foules, elle représente deux attentes opposées. Au fur et à mesure que les corps tombent, se relèvent puis ne se relèvent plus l’intensité des cris varie, se mue en chants, d’espoir, de désespoir, de croyances et de certitudes.
Fin du premier élan, deux Horaces restent au sol et l’on peut sans craindre de se tromper discerner les cris de joies et de victoire anticipée chez les Curiaces et ceux de mortifications chez les Horaces. Le deuxième assaut va être fatal au dernier des Horaces, cela ne fait aucun doute et les cris mêlés des deux foules se conjoignent dans l’attente de cette issue.
C’est alors que, dans un mouvement auquel personne ne s’attendait, le dernier Horace, sacrifiant son honneur pour sauver sa vie, fuit le combat. Silence. Silence commun et partagé cette fois puisque empreint de la même sidération chez les spectateurs des deux camps. Puis s’élève une clameur, la même de part et d’autre de la ligne qui les sépare, celle qui s’adresse au fuyard et le poursuit pour l’accabler de toutes les injures afin que celles-ci le touchent à l’endroit du déshonneur qui l’étreint de bafouer ainsi les codes d’un honneur commun à tous les combattants et à ceux qu’ils représentent.
Durant la fuite de l’un et la poursuite des autres la clameur n’a de cesse. Puis soudain, Publius Horatius s’arrête dans sa fuite. Les cris s’atténuent et se transforment, chez tous, en un bruissement d’indétermination. Puis il fait demi tour. Silence. Chacun des individus qui les composent, puis chacune des deux foules est saisie à cet instant par ce qui s’est tramé jusque là. Le silence qui marque le pivot dans la course de l’Horace correspond au télescopage des croyances par rapport à sa fuite avec ce qui en ressort maintenant que tous ont saisis. Que tous sont saisis.
Il n’a pas fuit, mais par sa course il combattait en séparant les trois Curiaces les uns des autres. Il les séparait quand les deux foules, unies dans leur lecture erronée de son attitude, s’accordaient pour le honnir. Après le silence liant le temps de l’illusion à celui de la réalité, les cris reprennent. Les mêmes que ceux manifestant la victoire certaine et la défaite assurée, lors de la fin du premier assaut, mais cette fois en ayant changé de camp. Les Curiaces se lamentent et les Horaces exultent.
Ces deux foules, cette foule, c’est celle que je me plaît à appeler la foule vociférante. Celle qui grogne à qui mieux mieux et à raison plus plus, au gré du moindre allant qui la stimulera dans l’expression de son ignorance crasse toujours relevée par le piquant de la jouissance de la masse. Une jouissance massive qui s’exprime comme un arc-réflexe, sans étayage autre que la stimulation de la croyance, symptôme de sa farouche volonté de ne pas vouloir accéder au savoir. Et pour cause, il est inconscient et ne ressort que de l’un par un.
Et justement, parlons-en de ce particulier là, Publius Horatius. Pensez-vous qu’il était moins le jouet de la structure, lui qui pourtant semblait les avoir tenu tous à sa main durant sa manœuvre ? Croyez-vous cela alors que cela ne faisait qu’augurer de son rendez-vous avec la loi de Rome et le joug sous lequel il allait devoir passer après avoir été condamné ? C’est dire si c’est au contraire la manœuvre qui le tenait.
De la foule au particulier, cris et chuchotements…et silences. Au rendez-vous donné par Freud à la jonction des revendications de l’individu et des exigences culturelles de la collectivité il y a d’évidence la passion de l’ignorance. Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font… Une ignorance du savoir inconscient qui se transforme, perte pure, en revendication de la connaissance encyclopédique. Crédulité dont se délectent à toutes les sauces, à toutes les températures et que servent à tous les plats ceux qui ne sont pas amoureux de leur inconscient. Oui, parlant de cette connaissance enCYCLOP-édique on sait ce qu’il advint du cyclope et de son œil, si frontal fut-il. Futile !
Ce que cela donne motive aujourd’hui le titre de mon intervention, Nolli me tangere, le premier geste barrière, la névrose au fondement. Vous avez en effet reconnu dans le Pardonne-leur ils ne savent pas ce qu’ils font une des sept paroles du Christ sur la croix. Et bien, Nolli me tangere est une autre parole christique. Celle qu’il prononça à l’adresse de Marie-Madeleine qui venait vers lui les bras tendus dans un élan d’amour incandescent alors que, ressuscité, il sortait tout juste du tombeau. Nolli me tangere, Ne me touche pas. A entendre, Désormais, pour avoir accès à moi il te faudra t’appuyer sur ta foi.
Ne me touche pas, voilà le premier geste barrière – la névrose au fondement – auquel la loi induite qui cimente la foi de notre communauté actuelle se réfère. Par delà la tragédie qui la justifierait, il y a ceci de comique, qu’elle s’y réfère, à cette loi, au titre de ce que la foule vociférera, quoi qu’il en soit, de part et d’autre de la ligne de combat, satisfaite ad nauseam de ses propres vociférations, confite en ses proférations.
C’est que, qui n’en fait le constat quotidien, cette foule, ces deux foules, bref, La foule et ceux qui s’y fondent éructent de leur propre ignorance. Leurs éructations bave aux lèvres sont les ambassadrices de cette jouissance ignorée qui un par un les constituent et les soutient. C’est là la pensée névrotique dont la pierre de touche est l’amour de soi-même. Un amour non repéré, un amour qui s’ignore lui-même d’être situé en exclusion interne. Un amour de soi aux coordonnées précises pourtant, qui le situent au lieu où Freud l’avait perçu ainsi, Sie lieben ihren wahnen wie sich selbst.
Soit, en français dans le texte, Ils aiment leur délire comme soi-même.
Et cela quel que soit le bord de leurs pensées et de leurs opinions. C’est idaime… a-i-m-e (chuchoté)
Alors, amis auditeurs, comme Churchill, en rendit compte , Seras-tu, toi aussi, enfin assez fou pour entendre la langue de l’Autre ? Rendez-vous est donné dans quelques semaines pour la quatrième émission de L’Hommalaise. Il y sera présentée la suite de l’interprétation du livre de Sigmund Freud Malaise dans la culture via son chapitre 4. Vous pouvez retrouver l’intervention d’aujourd’hui en podcast sur le site de la radio RDWA - R-D-W-A.FR, ainsi que, accompagnée de sa version écrite téléchargeable, sur le site de Jean-Thibaut FouLEtier, tybolt.fr, T-Y-B-O-L-T . FR Un mois d’écriture pour une heure d’émission, puis tout le temps de lecture dont vous voudrez disposer pour son dépiautage… Et pour finir en musique, apprécions le dicton du jour, À radio local Local rock ! puisque nous allons maintenant écouter ce bijou de Charlélie Couture… Jean-Thibaut Fouletier
Die, le 28/01/2021
Die, le 28/01/2021
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